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La guerre des drones

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Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 22 février 2022, nous sommes confrontés à un nouveau type de guerre. À la fois conventionnelle avec ses chars, ses mortiers, ses bombes, ses snipers et même ses tranchées dans le Donbass, qui rappellent celles de Verdun durant la Première Guerre mondiale. Les actes de résistance héroïques des Ukrainiens face à une armée russe théoriquement tellement plus puissante, la souffrance des civils qui descendent dans les caves ou le métro à Kiev, Kherson ou Kharkiv pour se protéger des bombardements, les villes rasées après des semaines de combats, les massacres de Boutcha ou d’Izioum, les milliers d’exilés fuyant le malheur convoquent les images de la seconde Guerre mondiale.

Mais cette guerre est aussi hybride et technologique avec un rôle déterminant d’internet, tant dans la déstabilisation informationnelle sur les réseaux sociaux que dans les communications entre les troupes, la diffusion d’images en temps réel et celle des réactions de Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, et bien sûr l’usage massif de drones. Rarement conflit moderne aura autant mobilisé des drones, appareils grand public modifiés ou armes sophistiquées turques ou iraniennes. Les Ukrainiens sont devenus des experts dans l’utilisation de tous les types de ces appareils qui, aujourd’hui, sont un élément crucial des combats. Et Russes et Ukrainiens multiplient de plus en plus leur usage pour frapper des cibles toujours plus éloignées.

Les attaques de drones sur Moscou constituent une nouvelle étape dans le conflit. Non seulement par leur potentiel destructeur de cibles militaires mais aussi, et peut-être surtout, dans leur capacité à briser le mur du mensonge que Vladimir Poutine a bâti autour de son « opération militaire spéciale ». Bernant visiblement les systèmes d’autodéfense russes dont Moscou vante pourtant les mérites, des drones ont pu atteindre la capitale russe et causer des dégâts mesurés mais tangibles sur des bâtiments. Des dégâts qui pourraient dessiller une population qui, malgré les sanctions internationales, poursuit son quotidien et ne mesure pas – ou ne veut pas voir – ce qui se joue à quelques centaines de kilomètres.

« Progressivement, la guerre revient sur le territoire de la Russie, dans ses centres symboliques et ses bases militaires, et c’est un processus inévitable, naturel et absolument juste », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Mais ces actes qui relèvent du droit à l’Ukraine de se défendre contre son agresseur sont à double tranchant.

D’un côté, en instillant la peur, ils peuvent effectivement provoquer un déclic dans la population russe dont une partie – les familles qui ont perdu un soldat ou les opposants politiques au régime emprisonnés – a déjà pris conscience de la guerre qui se déroule avec le pays voisin. Le soutien populaire à Vladimir Poutine pourrait alors s’effriter, des troubles traverser le pays lassé par cette guerre qui ne dit pas son nom. Mais de l’autre, ces attaques, si elles devenaient trop nombreuses, pourraient aussi susciter un regain d’adhésion autour de Vladimir Poutine. À un an de la présidentielle, le chef d’État russe n’attend rien moins que d’apparaître comme le leader irremplaçable d’une nation attaquée.

C’est en naviguant sur cette ligne de crête que Volodomyr Zelensky doit maintenant agir s’il veut gagner la guerre des drones et la guerre tout court.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 3 août 2023)

Photo AFP : immeuble attaqué par un drone à Moscou.

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