Elon Musk peut-il être à l’internet par satellite ce que Xavier Niel a été, en France, pour la téléphonie mobile et l’internet avec Free : un trublion qui rebat les cartes ? En tout cas, depuis 2018, le fantasque milliardaire américain s’est donné les moyens pour déployer Starlink, une constellation de quelque 12 000 mini-satellites en orbite basse – 42 000 à terme – à même de fournir partout dans le monde tous les services que l’on attend d’une connexion à internet moderne.
Son offre d’abonnement à prix cassé qui bouscule un marché balbutiant mais très prometteur, en France comme à l’étranger, sera regardée avec grand intérêt par tous ceux qui résident dans une zone blanche ou grise, inaccessibles à l’internet à très haut débit par une classique liaison fibre ou un réseau mobile 4G ou 5G.
Ces exclus d’une France que le gouvernement souhaite 100 % connectée au très haut débit en 2025 voient une porte de salut dans le satellite, dont la connexion a un débit encore modeste mais qui monte en puissance. En montagne ou dans les campagnes reculées pas ou mal desservies, le satellite, jadis très cher, apparaît désormais comme une bonne solution. Les offres de liaison satellite qui vont se multiplier – Orange prépare la sienne – relèvent bien d’un enjeu sociétal : ne laisser personne déconnecté à l’heure où la numérisation de la société s’accélère. Les aides de l’État à l’achat du matériel ou à son installation sont dès lors une bonne chose pour permettre au plus modestes de profiter de ces dispositifs.
Mais la connexion à internet par satellite relève aussi d’enjeux industriels, géopolitiques et environnementaux. Industriels car il s’agit de conduire les recherches scientifiques pour améliorer les satellites, leur zone de couverture, leur débit, leur capacité à résister à des cyberattaques, etc. La France et l’Europe ont dans ce domaine un incontestable savoir-faire, notamment avec Airbus.
Enjeu géopolitique et de souveraineté ensuite. De la même façon que l’Europe a créé Galileo pour ne pas avoir à dépendre exclusivement du GPS américain qui peut s’arrêter du jour au lendemain si les États-Unis le décidaient, il faut qu’elle se dote ou soit un partenaire incontournable d’infrastructures pour ne pas avoir à dépendre de sociétés privées extra-européennes. Si Elon Musk a bouleversé le secteur avec sa constellation de mini-satellites, l’Europe envisage elle aussi de déployer la sienne. La connexion par satellite doit aussi être l’opportunité de connecter les millions d’habitants qui ne le sont pas encore ; un tiers de la population mondiale n’a toujours pas accès à internet…
Enjeu environnemental enfin, et non des moindres. Car la multiplication des satellites dans l’espace, le déploiement de milliers de mini-satellites comme ceux de Starlink, Oneweb, Kuiper… et les nombreux projets encore dans les cartons pour amener internet sur toute la surface du globe soulèvent d’importantes questions sur la multiplication du nombre potentiel de débris spatiaux et sur un accroissement de la pollution lumineuse du ciel nocturne qui perturbent les astronomes.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 4 août 2023)