Les étés se suivent et se ressemblent pour les services des urgences hospitalières en France. Comme en 2022 un certain nombre d’entre eux sont fermés le soir ou le week-end. Le nouveau ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a beau dire que « la crise estivale a été mieux anticipée » avec une régulation perfectible via le 15, force est de constater qu’il y a encore bien trop de fermetures. À telle enseigne que le docteur Patrice Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France, estime que « c’est du jamais vu ». Il reste 18 mois pour corriger le tir et arriver, comme l’a promis Emmanuel Macron en avril dernier, à « désengorger les urgences d’ici fin 2024 ». Cela ne pourra se faire que lorsque tous les acteurs auront mesuré et pris leurs responsabilités.
Au premier rang, l’État. En concluant en mai dernier le Conseil national de la refondation (CNR) Santé, l’ex-ministre de la Santé François Braun estimait que la promesse faite aux Français en 1945 d’une santé « accessible à tous, sans distinction, pour tous les citoyens de la République », n’était plus tenue. Juste constat, mais alors pourquoi avoir rajouté aux difficultés des urgences un plafonnement des gardes des intérimaires qui les handicapent un peu plus pour trouver du personnel ? On entend bien qu’il fallait en finir avec les abus et la concurrence à laquelle se livraient certains hôpitaux, mais cette décision a, d’évidence, eu un impact cet été dans de multiples hôpitaux, ceux de grandes agglomérations comme ceux des petites villes. On comprend dès lors la mobilisation des habitants et des élus – comme récemment à Bagnères-de-Bigorre – qui demandent simplement à l’État de respecter la loi de 2013 qui stipulait que tout Français doit être à 30 minutes maximum d’une structure d’urgence…
Pour éviter que l’été 2024 ne soit comme celui de 2023, il faudra mettre des moyens financiers, assurer l’attractivité et la reconnaissance des métiers, mais aussi permettre de nouvelles collaborations, par exemple avec les Régions dont beaucoup, comme en Occitanie, sont prêtes à contribuer à des Maisons de santé. Et enfin, plus largement revoir l’organisation et le rôle de chacun, et notamment des médecins généralistes.
Mais la responsabilité pour avoir des urgences efficaces incombe aussi aux Français, à chacun d’entre nous. Renouveler une ordonnance, réaliser une vaccination, prolonger un arrêt de travail, effectuer des radios sans prescription, soigner les petits accidents domestiques… : tout cela ne doit pas être traité par les urgences. Et pourtant, ces demandes et cette « bobologie » encombrent les services et peuvent avoir des conséquences dramatiques pour les Français qui ont vraiment besoin des urgences. Des campagnes de sensibilisation du grand public ont déjà été conduites depuis l’an dernier. Il faut assurément aller plus loin pour que les Français prennent conscience de la spécificité des urgences et comprennent que le respect des parcours de soins contribue à ce que chacun puisse bénéficier des bons accès aux soins au bon moment.
En déplacement en Dordogne fin juillet, Aurélien Rousseau a promis « la reconstruction totale des urgences ». Il est plus que temps parce qu’il y a urgence pour les urgences…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 12 août 2023)