Neuf mois après la déflagration qu’a constituée la publication du livre de Victor Castanet, « Les fossoyeurs : révélations sur le système qui maltraite nos aînés » (Ed. Fayard), nous voilà encore face à un scandale concernant les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Certes, cette fois-ci, il ne s’agit pas de maltraitance physique ou psychologique envers les résidents des maisons de retraite, mais les faits n’en sont pas moins graves.
Contrôlés par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), des Ehpad privés à but lucratif ont été épinglés entre 2019 et 2021, soit avant le scandale de janvier. Il en ressort qu’un établissement sur deux présentait des problèmes concernant les prestations qu’il propose souvent très chèrement. Contrats de séjour aux clauses déséquilibrées, modalités de résiliation désavantageuses, demande d’un dépôt de garantie exorbitant et mensonges sur les prestations vantées sur les dépliants publicitaires, tantôt enjolivées, tantôt carrément inexistantes. Ces contrôles ont donné lieu à des recommandations, des injonctions et trois saisines du procureur de la République pour les cas les plus graves, a annoncé le ministre des Solidarités. Nécessaire, mais certainement plus suffisant.
Car depuis maintenant plusieurs années, les témoignages ne cessent de s’accumuler sur des dysfonctionnements concernant les Ehpad. Qu’ils soient rédigés par des familles de résidents à bout, parfois obligées de dilapider l’héritage de leurs parents pour payer leur chambre en Ehpad, ou désemparées face aux maltraitances dont sont victimes leurs parents ; qu’ils soient rendus publics par de courageux anciens employés qui, malgré toute leur bonne volonté, ne peuvent plus supporter leurs conditions de travail et leurs conséquences et se muent en lanceurs d’alerte ; qu’ils soient écrits par d’ex-directeurs d’établissement, qui racontent combien la pression est forte pour qu’ils dégagent des bénéfices ; qu’ils soient relayés ou complétés par de solides enquêtes de presse, il y a tellement de récits glaçants – qui suscitent toujours autant l’indignation de l’opinion – que l’on se demande ce qu’il faudrait de plus pour enclencher une sérieuse remise à plat, corriger enfin ce qui ne va pas, mais aussi encourager ce qui marche. Que ce soit dans les Ehpad privés aujourd’hui sur la sellette – mais qui ne représentent que 24 % des établissements en France – dans les établissements publics ou associatifs.
Inutile pour cela de lancer une énième concertation. En 2018, les députées LREM Monique Iborra et LFI Caroline Fiat ont rendu un excellent rapport contenant 31 propositions qui devaient répondre à la crise des Ehpad, notamment en termes d’embauche et de formation, et dessiner un vrai changement de modèle. Un changement qui ne pourra se faire qu’avec un important financement pour le cinquième risque de la Sécurité sociale, lié à l’avancée en âge et à la perte d’autonomie, qui nous concerneront tous un jour. Ce chantier, entrouvert en 2008, n’est toujours pas achevé. Selon l’Insee, d’ici à 2070, les plus de 75 ans devraient croître de 5,7 millions de personnes, un vrai papy-boom. C’est donc bien aujourd’hui qu’il faut préparer cette société de demain.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 29 octobre 2022)