En mettant à l’épreuve les pays du monde entier, l’épidémie de Covid-19 aura été un révélateur des forces et des faiblesses des uns et des autres. En France, mais aussi dans la plupart des pays européens, cette pandémie historique qui a mis à genoux les économies, a jeté une lumière crue sur ce qu’on peut appeler la face sombre de la mondialisation. Depuis plusieurs décennies, nous avions, en effet, pris l’habitude de sous-traiter ou délocaliser certaines productions industrielles dans des pays socialement moins-disants mais qui permettaient de livrer ce dont nous avions besoin à des coûts extrêmement avantageux et, souvent, en maximisant les profits. Le made in China, made in Vietnam ou made in Bangladesh connaissaient un développement fulgurant, porté un système à flux tendu bien huilé qui avait remplacé les stocks et des transports mondiaux par containers. Un système qui fonctionnait bien… jusqu’à ce qu’arrive le Covid.
Avec des transports et des usines à l’arrêt, le flux a été rompu et nous nous sommes rendu compte combien nous étions dépendants de pays tiers pour la fourniture de multiples matériels comme les masques chirurgicaux et même de médicaments aussi basiques que le paracétamol, mais aussi bien d’autres dont les principes actifs sont fabriqués en Chine ou en Inde – principes qui constituent 80 % de la matière première pharmaceutique mondiale, le façonnage et le conditionnement restant parfois menés en Europe.
La crise du Covid nous a donc ouvert les yeux sur la nécessité de relocaliser ces productions pour atteindre une certaine souveraineté pharmaceutique. De « France relance » à « France 2030 », le gouvernement a fait des relocalisations un axe majeur de sa politique économique. Et cela concerne aussi les médicaments, qui connaissaient d’ailleurs des pénuries avant la crise sanitaire du Covid-19. Le paracétamol, parce qu’il est le médicament le plus vendu en France – 500 millions de doses vendues par an – a été en tête de liste du plan de relocalisation des industries de santé, annoncé par le président de la République en juin 2020, avec l’idée de relocaliser sa production en trois ans.
Reste à savoir ce qu’il faut exactement relocaliser, entre des médicaments anciens et des innovations thérapeutiques, et qui doit en être le pilote. Les médicaments anciens, génériquables (anticancéreux, antibiotiques, corticoïdes, vaccins…) présentent une marge bénéficiaire faible et donc intéressent moins les laboratoires qui en ont largement délocalisé la production, mais ils représentent encore l’essentiel des traitements et les pénuries qui les touchent ont des conséquences directes sur les malades. Au contraire des innovations thérapeutiques très lucratives, qui ne sont pas dans le domaine public et qui font rarement l’objet de pénuries. L’urgence est donc bien de relocaliser les premiers.
Quant à savoir qui doit piloter cette relocalisation, il serait pour le moins paradoxal d’en confier les rênes, comme elle le réclame, à l’industrie pharmaceutique, qui porte la responsabilité d’avoir organisé les délocalisations pour maximiser ses profits. Comme l’a réclamé un collectif de professeurs de médecine, mieux vaut confier cette tâche à un établissement public à but non lucratif organisant des partenariats publics-privés.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du dimanche 30 octobre 2022)