C’est sans doute parce qu’elle avait le souriant visage de l’enfance, cheveux blonds et yeux bleus, parce qu’elle aurait pu être notre fille ou notre nièce, notre petite sœur ou notre cousine, une camarade ou la petite voisine. C’est pour toutes ces raisons que le meurtre barbare de la petite Lola a ému à ce point la France. Voir le destin tragique de cette bientôt adolescente qui avait la vie devant elle basculer à 12 ans dans l’horreur inimaginable d’un crime gratuit a soulevé le cœur de chacune et chacun d’entre nous. Et nous avons tous pensé à ses parents, à sa famille, à ses proches, à ses camarades de classe, à leur incommensurable douleur que notre solidarité bienveillante réconfortera mais n’éteindra pas. Tous ? Non, hélas.
Dans les heures qui ont suivi le drame, certains ont instrumentalisé de façon odieuse la mort de cette enfant pour une basse récupération politique au prétexte que la suspecte du meurtre était de nationalité étrangère et visée par une obligation de quitter le territoire national. Le drame n’aurait-il pas été tout aussi horrible si le suspect avait été citoyen français ? C’est ainsi qu’on a vu les représentants de l’extrême droite se jeter comme des charognards sur ce drame, faisant fi de la volonté expresse des parents de Lola que la mort de leur fille ne fasse pas l’objet d’un tel traitement.
Revenu d’entre ses cuisantes défaites électorales, on a vu Eric Zemmour, président du mouvement d’extrême droite Reconquête, et ses sbires, squatter les plateaux télés, orchestrer des raids sur les réseaux sociaux et manifester piteusement dans la rue sous la pluie, pour expliquer qu’il s’agissait là d’un « francocide », nouvelle lubie après celle du « grand remplacement ». Et si Marine Le Pen et ses députés du Rassemblement national se sont «contentés» in extremis d’une minute de silence pour ne pas se mêler aux Zemouristes, leur récupération politique est tout aussi indigne et indécente.
Que ce drame soulève des questions sur les reconduites à la frontière, c’est possible ; que le gouvernement doive répondre à ces questionnements et proposer des corrections si besoin, non pas sur les plateaux télé mais au Parlement, c’est essentiel. Mais ces questions auront le temps d’être posées et les réponses viendront.
Aujourd’hui, l’heure n’est pas au débat politique, elle doit être à l’hommage pour cette petite fille et, comme l’a dit hier le président de la République, au respect et à l’affection de la nation envers la famille de Lola, dont la dignité dans les heures sombres qu’elle traverse est une leçon qui nous oblige, tous.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 22 octobre 2022)