Ces images ont fait le tour du monde tant elles sont spectaculaires. Cet été, le lac Mead aux États-Unis, un lac artificiel qui s’étire sur 180 kilomètres entre les États du Nevada et de l’Arizona et constitue le plus large réservoir d’eau du pays, a atteint son plus bas niveau historique. Le 18 juillet dernier, le niveau de l’eau mesuré au barrage Dam était, en effet, de 317 mètres… contre 341 mètres en juillet 2000 ; le niveau maximal du lac étant de 372 mètres, seuil atteint pour la dernière fois en 1999 et en 1983. Si le niveau atteint 300 mètres, les turbines hydroélectriques ne pourront plus fonctionner. Une catastrophe car le lac alimente 40 millions d’Américains en eau et en électricité à travers sept États, et aussi le nord du Mexique. Si le niveau est si bas, c’est parce que le lac, dont le remplissage provient pour 10 % des précipitations et pour 90 % de la fonte des glaces des Rocheuses, est victime d’une sécheresse extrême dans la zone et d’un déficit d’enneigement sur le Colorado l’hiver précédent. Autrement dit, le réchauffement du climat va directement impacter les habitants qui auront moins d’eau à disposition.
Cette situation n’est, hélas, pas l’apanage de l’Ouest américain et se retrouve ailleurs dans le monde et notamment en France. Avec une sécheresse historique cet été, du niveau de celles de 1976 et 2003, la France se retrouve, elle aussi, avec des problèmes d’eau. Cet été les images du niveau très bas des gorges du Verdon avaient marqué l’opinion, mais c’est bien tout le réseau hydrologique qui a souffert. Dans le Grand Sud, 50 % des cours d’eau ont été en rupture d’écoulement selon le comité de bassin Adour-Garonne réuni au début du mois pour faire le point sur une situation qui pourrait ne pas s’améliorer. Car la sécheresse perdure cet automne avec les températures clémentes que nous connaissons et les projections sont particulièrement alarmantes.
Selon de nouvelles projections climatiques publiées le 4 octobre dans la revue Earth System Dynamics, le réchauffement climatique pourrait être jusqu’à 50 % plus intense au cours du siècle que ce que montraient les précédentes estimations. La température moyenne en France pourrait être supérieure de 3,8 °C en 2100 par rapport au début du XXe siècle. Et encore ces projections déjà inquiétantes sont celles d’un scénario « intermédiaire » dans lequel les émissions de gaz à effet de serre progresseraient avant de décroître. Dans le cas où les émissions continueraient à augmenter, on atteindrait jusqu’à + 6 °C l’été… Certes ce scénario reste très peu probable, mais il n’est pas impossible.
Mais même avec le scénario « intermédiaire », il faut, d’évidence, se préparer dès à présent aux conséquences d’un déficit d’eau. C’est-à-dire réfléchir à la préservation des ressources et à leur très épineux partage pour éviter un jour une « guerre de l’eau. »
Le 21 octobre, Elisabeth Borne a fait de l’eau l’un des 22 chantiers de « France nation verte », la feuille de route de la planification écologique du gouvernement. Gageons que des décisions vont être rapidement prises, notamment en s’appuyant sur les acteurs locaux, en évitant d’interminables concertations labyrinthiques. Car la cote d’alerte est déjà franchie…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 31 octobre 2022)
Photo : le lac de l'arrêt Darré en Hautes-Pyrénées, photo Pierre Challier