Cet été – comme tous les étés – chacun pronostiquait une « rentrée chaude » sans forcément y croire. Mais cette rentrée 2022 est, d’évidence, autrement plus corsée pour l’exécutif que celles du précédent quinquennat. Une situation logique qui découle d’abord de la composition politique du pays née des législatives de juin. Sans majorité absolue à l’Assemblée, le gouvernement est, de fait, entravé dans son action et contraint de rechercher d’hypothétiques compromis avec ses oppositions, déterminées à ne faire aucun cadeau à Emmanuel Macron et qui pensent – déjà – à jouer le coup d’après de la présidentielle de 2027… Mais le gouvernement est aussi en difficulté avec sa propre majorité, bien plus « plurielle » que le bloc macroniste de 2017, et qui a des velléités d’émancipation. On l’a vu lors de l’examen du Budget avec les alliés MoDem et Horizons qui se sont sentis plus libres que loyaux pour paraphraser l’expression d’Edouard Philippe.
À cette nouvelle donne politique s’est ajoutée une multitude de crises découlant de la guerre en Ukraine et qui ont un impact direct sur la vie des Français. Crise énergétique, du gaz et de l’électricité dont les prix ont explosé, crise économique avec le retour d’une inflation galopante, certes plus faible en France que chez nos voisins mais qui frappe durement les Français. Crise climatique aussi. Et enfin, crise des carburants qui paralyse le pays depuis trois semaines et qui alimente une crise sociale où la question du partage des richesses – taxation des superprofits, hausse des salaires – est bel et bien centrale.
Dans ce tourbillon, le gouvernement peine à imposer son tempo et expliciter ses décisions. Non seulement les mesures de soutien qu’il a impulsées cet été avec le « paquet pouvoir d’achat » ne semblent pas être suffisamment portées à son crédit, mais le gouvernement apparaît même souvent à contretemps, tantôt sur la défensive, tantôt donnant l’image d’être dépassé par la situation. D’autant plus quand certains ministres affichent de sérieuses divergences comme sur la taxation des superprofits ou laissent un peu trop apparaître les ambitions personnelles qu’ils nourrissent pour 2027…
Ces couacs dans la majorité et dans son gouvernement qui minent son autorité agacent au plus haut point Emmanuel Macron. Le chef de l’État avait promis une « nouvelle méthode », le voilà contraint de s’impliquer, délaissant le Vulcain qu’il assurait vouloir être pour rendosser les habits de Jupiter. Rattrapé par les sujets nationaux quand il se concentre sur les dossiers internationaux – et vice versa – Emmanuel Macron se retrouve lui aussi à contretemps, comme si le maître des horloges était en décalage horaire. Ainsi sa volonté de rester sur sa politique de l’offre et de maintenir coûte que coûte des réformes clivantes comme celle des retraites se heurte à une majorité de Français qui réclament un plus juste partage des richesses et des efforts.
Hier, Emmanuel Macron célébrait le 40e anniversaire de la mort de Pierre-Mendès France, l’homme du « gouverner, c’est choisir ». L’occasion de se rappeler que cette figure de la gauche préconisait en 1929, face à une autre grande crise, un cap clair plus que jamais d’actualité : « L’heure est venue de substituer aux dogmes du laisser-faire, laisser-passer, le statut économique de l’avenir, celui de l’État contre l’argent fort. »
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 19 octobre 2022)