Il y a trois mois, les Français découvraient avec effarement l’extrême fragilité de la forêt française avec des incendies majeurs qui ont ravagé plus de 65 000 hectares. Jusqu’à présent, nous n’avions vu ces images spectaculaires et angoissantes d’immenses flammes dévorant tout sur leur passage qu’en provenance des États-Unis, de l’Australie, de la Turquie ou de la Grèce lorsque ces pays avaient été confrontés à des mégafeux incontrôlables. Cette année, ce sont des paysages connus, la forêt landaise et la dune du Pilat, ou familiers dans l’Aude ou le sud Aveyron en Occitanie qui se sont retrouvés incendiés.
Ces drames, qui ont laissé dans le désarroi des familles et des entreprises qui ont tout perdu, ont déclenché une réelle prise de conscience tant sur l’insuffisance de nos moyens de lutte contre les incendies que dans notre façon de gérer la forêt à l’heure du dérèglement climatique qui provoque sécheresse, pénurie d’eau et températures caniculaires. En déplacement en Gironde Emmanuel Macron a dès lors eu raison de dire que refonder la forêt française relevait d’un « grand chantier national ». Tout remettre à plat ou du moins réfléchir à une meilleure gestion de nos forêts, privées à 75 %, qui couvrent 31 % du territoire et dont certaines dépendent d’un statut remontant au Moyen-Âge.
Mais l’actualité ayant filé, rattrapée par l’intensification de la guerre en Ukraine, la crise énergétique, l’inflation galopante et la pénurie de carburants, le sujet de la forêt est comme sorti des radars, éclipsé par d’autres préoccupations. Il faudrait pourtant transformer rapidement les paroles présidentielles en actes pour faire face aux étés prochains et préparer sans tarder les décennies à venir. Les pistes de réflexion sont d’ailleurs déjà sur la table, exprimées notamment par la mission d’information sénatoriale qui a rendu cet été un édifiant rapport « Feux de forêt et de végétation : prévenir l’embrasement. » Réalisé avant les feux dévastateurs de cet été, ce rapport formule 70 recommandations de court, moyen et long termes. Anticiper l’évolution du risque d’incendie élevé qui pourrait concerner près de 50 % des forêts françaises d’ici 2050, aménager des interfaces forêts-zones urbaines, mieux gérer les espaces forestiers et agricoles, renforcer la sensibilisation du public et mobiliser le monde agricole.
Autant de pistes qui supposent aussi des moyens humains et financiers. Au-delà de la lutte contre les feux pour lesquels ils préconisent entre autres d’atteindre d’ici 2027 l’objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, les sénateurs ont aussi demandé à revenir sur les 500 suppressions supplémentaires de postes, prévues d’ici 2026 à l’Office national des forêts qui, en vingt ans, a perdu 40 % de ses salariés. Dans le projet de loi de finance 2023 actuellement en débat à l’Assemblée nationale, la section « gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » bénéficie de 286,4 millions d’euros de crédits de paiement et 278,6 d’autorisations d’engagement soit respectivement +3,7 % et +0,6 % par rapport à 2022.
Est-ce suffisant pour refonder la forêt, financer la reconstitution de forêts plus résilientes après l’incendie, rechercher les meilleures essences pour affronter le réchauffement climatique ou repenser une gestion devenue trop complexe ? Car la forêt de demain se construit aujourd’hui…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 17 octobre 2022)