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Révolution(s)

cancer

Le mot révolution est souvent galvaudé, appliqué au moindre produit que sort telle marque de voiture ou de smartphone. Il existe pourtant de vraies révolutions, celles qui changent radicalement le monde, révolutions des peuples contre l’injustice et pour la liberté, comme celles que mènent avec courage les Iraniennes contre l’obscurantisme religieux, révolutions scientifiques qui propulsent l’humanité vers de nouveaux horizons. Après l’inquiétante étude scientifique américaine publiée le 6 septembre dans la revue Nature Reviews Clinical Oncology qui révélait une importante hausse mondiale de quatorze types de cancers chez les moins de 50 ans, les annonces faites ce mois-ci par les fondateurs de BioNTech et les laboratoires Merck et Moderna autour d’un prochain vaccin contre le cancer constituent les prémices d’une révolution médicale et ont, d’ores et déjà, redonné de l’espoir dans cette lutte de longue haleine.

Ugur Sahin et Ozlem Tureci, le couple de scientifiques allemands qui ont cofondé la société de biotechnologie BioNTech, ont même fixé l’horizon 2030 pour qu’un vaccin contre le cancer soit opérationnel. Un vaccin thérapeutique et non plus préventif – comme ceux qui protègent contre des virus responsables du développement de certains cancers comme ceux ou du col de l’utérus – disponible dans moins de dix ans constituera, d’évidence, une étape capitale dans le traitement des tumeurs solides qui concernent 90 % des cancers. Avec les spectaculaires progrès réalisés dans le domaine de l’immunothérapie – thérapies géniques et cellulaires – nous disposerons comme jamais auparavant d’outils performants, puissants, personnalisés même en fonction des patients, pour combattre le cancer. De quoi donner du crédit aux récents propos du président américain Joe Biden qui, en annonçant vouloir réduire la mortalité liée au cancer de 50 % en 25 ans aux États-Unis, s’est dit persuadé que le rêve de « guérir les cancers une bonne fois pour toutes » était à notre portée. C’est de plus en plus vrai.

Ironiquement, l’avancée des scientifiques dans l’élaboration d’un vaccin contre le cancer a été accélérée par une calamité mondiale : la pandémie de Covid-19. Les scientifiques vont, en effet, pouvoir s’appuyer sur toute l’expérience acquise au moment de la mise au point en un temps record des vaccins à ARN messager contre le coronavirus pour endiguer l’épidémie de Covid-19. Des vaccins anti-Covid qui eux-mêmes avaient profité des travaux de longue date menés sur l’ARN messager. Comme un renvoi d’ascenseur du destin qui montre combien la recherche scientifique est importante et doit être correctement financée, et combien les chercheurs, les grands laboratoires et les jeunes sociétés biotech, les autorités sanitaires des États, lorsqu’ils collaborent ensemble, peuvent réaliser des avancées majeures pour le bien de l’humanité.

Un vaccin contre le cancer qui fait quelque 10 millions de morts par an selon l’Organisation mondiale de la santé sera une vraie révolution – pour peu qu’il soit accessible au plus grand nombre – mais pas une fin en soi. Car il reste encore bien des maladies à éradiquer, à commencer par le Virus de l’Immunodéficience Humaine.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 24 octobre 2022)

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