S’il est bien un aspect de la vie des Français qui a été profondément bousculé par l’épidémie de Covid-19, c’est bien leur travail. Quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle à laquelle les actifs appartiennent, le coronavirus a changé tout à la fois la vision que l’on a du travail, la place que celui-ci occupe dans nos vies et dans la société, voire sa finalité même. Trois grands aspects ont été mis au jour par l’épidémie.
Le premier, le plus difficile sans doute pour de très nombreux Français, est l’extrême interdépendance pour ne pas dire la vulnérabilité de certaines activités. La mise à l’arrêt des économies dans le monde à la suite de restrictions sanitaires inédites a conduit des entreprises à recourir massivement au chômage partiel pour lequel notre Etat-providence n’a pas mégoté – le fameux « quoi qu’il en coûte ». Des industries aux commerces en passant par les restaurants, tout un pan de notre économie s’est retrouvée en pause et les salariés et patrons concernés dans une légitime inquiétude pour l’avenir. Cette séquence nous a convaincus qu’il faudrait amoindrir notre dépendance et retrouver une certaine souveraineté économique particulièrement dans l’industrie.
Le second changement majeur provoqué par l’épidémie est le recours au télétravail. Alors que la France accusait dans ce domaine un vrai retard par rapport aux pays de l’Europe du Nord, notamment en raison d’une culture très ancrée du présentéisme, et de nombreuses craintes (manque de productivité, perte de confiance…), le télétravail a su s’imposer dans l’urgence, parfois avec le système D, mais avec un certain succès. Auparavant seuls 7 % des Français pratiquaient le télétravail, ils étaient 33 % pendant le premier confinement. Certains salariés, s’affranchissant des longs temps de trajets domcile-travail quotidiens y ont trouvé assurément un nouvel équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, mais d’autres vivent plus difficilement ce travail à la maison isolé loin des interactions sociales avec leurs collègues. Le cadre réglementaire du télétravail, déjà assoupli en 2015, devra, d’évidence, évoluer ou en tout cas se préciser.
Enfin, le troisième grand bouleversement produit par le Covid a été la redécouverte par les Français de toutes les professions qui ont constitué ce que l’on a appelé « la deuxième ligne ». Caissières, livreurs, facteurs, éboueurs, femmes de ménage… : tous ces métiers jusqu’alors invisibilisés, voire trop souvent méprisés, qui ont pris des risques, avec courage et parfois la peur au ventre, pour faire tenir le pays en assurant le fil de notre quotidien confiné.
Ces trois chapitres, ces trois bouleversements, constituent incontestablement les trois grands dossiers sociaux qui attendent la France à la sortie de la crise sanitaire, à laquelle pourrait succéder une grave crise socio-économique. Il faut collectivement nous y préparer. Le terme de Grenelle a été ces dernières années galvaudé car employé dans de nombreux domaines à la moindre concertation, mais, pour le coup, un Grenelle du Covid pour repenser, réorganiser le travail de demain, aurait plus que jamais du sens.
(Edtorial publié sur ladepecheh.fr le mardi 30 mars 2021)