Il y a eu le barrage de Sivens dont le projet a été stoppé puis remanié après la mort du jeune écologiste Rémi Fraisse. Il y a maintenant le barrage de Caussade, dont l’autorisation de construction fait l’objet d’un bras de fer juridique à rebondissements. Et il pourrait y avoir encore bien d’autres exemples de ce qu’il faut bien appeler des guerres de l’eau. Certes, on est loin en France des conflits qui peuvent survenir entre Etats lorsque l’eau est non seulement une ressource vitale mais aussi un enjeu de souveraineté géopolitique. Rappelons d’ailleurs que la pénurie d’eau affecte quatre personnes sur dix dans le monde selon la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Mais les polémiques qui entourent, en France, la construction de nouvelles retenues ou la révision de la répartition des usages illustrent toute la complexité de la gestion de l’eau dans un contexte de changement climatique dont les effets sont de plus en plus visibles. Car le nœud du problème est bien là : comment gérer au mieux nos ressources en eau, fragiles et limitées, alors que les dernières études sur le climat qui nous attend font état à l’avenir d’une multiplication des sécheresses et d’une diminution des précipitations ?
D’un côté, écologistes en tête, on plaide pour un changement aussi radical que les bouleversements climatiques vont être importants dans les prochaines années. L’arrêt de l’irrigation agricole, la création de réserves intouchables pour la biodiversité sont ainsi érigées au rang de priorités des priorités, quitte parfois à oublier que les territoires concernés ne sont pas des déserts et que des populations y vivent et entendent bien y rester.
D’un autre côté, les agriculteurs se retrouvent en première ligne des bouleversements climatiques et font face à la fois à la sécheresse météorologique, c’est-à-dire le déficit de précipitations, mais aussi à la sécheresse agricole avec des sols terriblement asséchés. Pire, les épisodes de sécheresse, d’exceptionnels sont devenus quasi annuels. Dès lors, quoi de plus légitime pour les agriculteurs que de réclamer la construction de barrages ou de retenues collinaires pour passer ces épreuves et préserver leurs cultures ou leurs élevages ?
Peut-on concilier les deux approches, écologiques et agricoles (et industrielle aussi) ? Il va bien falloir pour sortir des affrontements. Aider d’un côté les agriculteurs à s’adapter voire à changer parfois de cultures et les associer aux politiques de gestion de l’eau, comme le fait l’agence de l’eau Adour-Garonne. Le volet agricole du plan de relance veut d’ailleurs adapter notre agriculture aux effets du changement climatique. Et en même temps créer les conditions de préservation de la biodiversité, à l’heure où 2 400 espèces sont menacées d’extinction. Un vrai défi…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 4 mars 2021)