Il y a eu Jacob et Ésaü, Apollon et Artémis, Castor et Pollux, Hypnos et Thanatos, ou encore Rémus et Romulus pour ne citer que quelques jumeaux qui ont irrigué les religions et la mythologie. D’autres ont marqué l’Histoire plus contemporaine comme les hommes politiques polonais Jaroslaw et Lech Kaczynski, les actrices Mary-Kate et Ashley Olsen, les animateurs Igor et Grichka Bogdanoff ou encore dans notre paysage politique Jacques et Bernard Attali ou Jean-Louis et Bernard Debré. Ces jumeaux célèbres provoquent chez nous les mêmes interrogations que celles qui surviennent lorsque l’on croise des bambins au physique identique dans les écoles ou dans nos familles, des camarades au lycée ou des collègues dans une entreprise. La gémellité est incontestablement une inépuisable source de fascination et de questionnement : comment peut-on se sentir unique lorsque l’on grandit avec son double ? La ressemblance physique se double-t-elle d’une similitude psychologique ? Et quels liens se tissent entre deux êtres qui sont le miroir l’un de l’autre ? Ont-ils les mêmes personnalités ou au contraire sont-elles opposées ? Cette gémellité est-elle une force ou un handicap, un atout pour affronter le monde ou une difficulté face au regard des autres, pas toujours bienveillant ? C’est peu dire que nous n’avons pas toutes les réponses à ces questions, et tant mieux car cela laisse aux jumeaux la même part d’inconnu et de découverte dans leur rapport aux autres que n’importe quel individu.
Mais à côté de ces questionnements psychologiques et sociétaux, les jumeaux intéressent aussi la science, d’autant plus qu’une étude publiée ce vendredi dans la revue Human Reproduction explique que le taux de naissances gémellaires n’a jamais été aussi élevé dans le monde : il est passé de 9,1 accouchements pour 1 000 naissances dans les années 80 à 12 dans les années 2010. Plus de 1,6 million de paires de jumeaux naissent ainsi chaque année dans le monde, près d’un bébé sur 40 est un jumeau, indiquent les trois auteurs de l’étude Christiaan Monden, Gilles Pison et Jeroen Smits, qui expliquent ce "jumeau boom" d’une part par l’assistance médicale à la procréation, associée à un risque élevé de naissance multiple et d’autre part à l’âge plus élevé auquel les femmes décident de faire des enfants.
Au-delà du constat purement démographique, les chercheurs soulignent combien cette hausse du nombre de jumeaux soulève des problèmes de santé publique, les enfants jumeaux étant de santé plus fragile, et incite à amender les pratiques médicales de la procréation médicale pour obtenir davantage de grossesses uniques que multiples.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 12 mars 2021)