C’est l’une des grandes affaires criminelles qui n’en finit pas de passionner les Français et le nouveau rebondissement qui vient de survenir, trente-six ans après les faits, ne fait qu’aviver l’émoi et l’intérêt de l’opinion. De nouvelles auditions diligentées par un énième juge d’instruction et l’imminence du rapport d’une nouvelle expertise « stylométrique » vont-elle apporter la vérité sur l’assassinat du petit Grégory, noyé dans la Vologne le 16 octobre 1984 et dont le ou les auteurs n’ont jamais été confondus, ni même leur mobile explicitement formulé ? « La justice et la vérité sont deux pointes si subtiles que nos instruments sont trop émoussés pour y toucher exactement », assurait Blaise Pascal.
C’est peu dire que dans l’affaire Grégory, et l’une et l’autre ont été jusqu’à présent très émoussées. Les nombreux errements de l’enquête, les dérapages, les non-dits des uns, les mensonges des autres, l’omerta d’un clan dont les relations restent encore aujourd’hui mystérieuses, les erreurs de la justice, les approximations, la pression médiatique ont fait de Lépange-sur-Vologne un étouffant huis clos, un labyrinthe où la vérité peine à trouver la sortie, bousculée par les certitudes et les intimes convictions que chacun a fini par se forger au gré des articles de presse, des reportages et plus récemment de la mini-série documentaire sur Netflix.
Saura-t-on un jour seulement la vérité ? Rien n’est moins sûr. Il est toutefois heureux qu’après toutes ces années, la justice, si perfectible qu’elle soit, n’abandonne pas, et remette sans cesse sur l’ouvrage cette affaire, persuadée qu’un élément pourrait éclairer d’un jour nouveau le dossier. Car non seulement un crime ne saurait rester impuni, mais cette quête de vérité, on la doit avant tout aux parents et à la mémoire du petit Grégory.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 17 décembre 2020)