Si l’arrivée du vaccin est la lueur d’espoir que le monde entier attendait, elle s’accompagne de nouvelles décisions délicates à prendre pour les gouvernements concernant l’acheminement et la distribution des doses aux populations. Si l’achat des différents vaccins puis leur répartition entre Etats membres ont été intelligemment mutualisés et centralisés par l’Union européenne, la suite est, en effet, à la discrétion de chaque pays, qui doit trouver la meilleure façon de s’organiser.
Cette « opération vaccination » de grande envergure, qui devrait durer toute l’année 2021, va donner des sueurs froides au gouvernement. Car après les ratés sur les masques et les tests, Emmanuel Macron n’a, d’évidence, pas droit à l’erreur dans la sortie de l’épidémie de Covid-19, à un an de la présidentielle. À la complexité de la logistique pour transporter des doses de vaccin – dont certaines nécessitent des températures très basses et donc une distribution rapide – s’ajoutent, pour le chef de l’Etat, deux défis de taille très spécifiques à la France : l’un politique l’autre sociétal.
Défi politique car pour une distribution optimale des vaccins, l’organisation ne devra laisser aucun acteur de côté : élus locaux, médecins libéraux, hôpitaux, Ehpad, etc. Il faudra donc trouver un subtil équilibre entre une impulsion nationale et des relais régionaux et locaux. Dans une France toujours marquée par le jacobinisme centralisateur, au contraire d’une Allemagne fédérale, voilà un défi délicat à relever.
Le second défi, qui est à l’œuvre partout dans le monde mais prend en France un relief particulier, est sociétal : notre pays, pourtant patrie de Pasteur, est devenu le champion du monde de la défiance envers les vaccins. Face à toutes les thèses complotistes, si nombreuses avec le Covid-19, mais aussi à de légitimes inquiétudes sur les effets secondaires de vaccins ARN totalement inédits, Emmanuel Macron a fait le pari de la responsabilité – pas d’obligation vaccinale – et le choix d’une transparence maximale pour convaincre. Son idée de créer un « collectif de citoyens » pour associer la population est à regarder à cet aune. Même si, au final, c’est lui qui sera comptable du bon déroulement de la vaccination…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 1er décembre 2020)