Accéder au contenu principal

Sous pression

castex


Cinq mois après son installation à Matignon, Jean Castex, qui n’ignorait rien des rouages de la haute fonction publique, en découvre sans doute chaque jour le revers depuis qu’il est en position d’en impulser l’action. Et de fait, cet adepte du dialogue et de l’écoute des territoires – deux qualités auxquelles il doit sa nomination par Emmanuel Macron – se retrouve confronté chaque jour à ce que tous ses prédécesseurs ont appelé l’ « enfer de Matignon ». Une « lessiveuse » épuisante où les dossiers prioritaires s’enchaînent, réclamant des décisions aussi urgentes que complexes, et où les imprévus bousculent tout ce qui avait été calé. C’est peu dire que l’épidémie de Covid-19 a exacerbé cette situation, et la journée d’hier est venue apporter la démonstration de la pression permanente à laquelle est soumis le chef du gouvernement.

Hier matin, donc, le premier coup de Trafalgar est venu de la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement, qui a remis sur le devant de la scène l’affaire de la pénurie de masques au début de l’épidémie. Affaire qui est au gouvernement ce que le sparadrap était au capitaine Haddock : un dossier miné dont il est très difficile de se débarrasser… De fait, les sénateurs accusent le numéro deux du ministère de la Santé, le Pr Salomon, d’avoir fait le choix en 2018 de ne conserver qu’une très faible quantité de masques en stock, sans en informer la ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn, puis d’avoir modifié un rapport scientifique a posteriori pour justifier cette décision… « Le fiasco des masques a été sciemment dissimulé par le gouvernement durant la crise » tonnent les sénateurs, pointant là, a minima, un manque de transparence.

La transparence justement est pourtant bien ce que doit absolument mettre en œuvre le gouvernement tant pour l’organisation de la campagne de vaccination – alors qu’un Français sur deux n’a pas confiance dans les vaccins – que pour organiser le deuxième déconfinement qui ne doit pas être l’antichambre d’une troisième vague épidémique. Hier soir, Jean Castex s’est donc attaché à dominer la pression afin d’expliquer pourquoi le gouvernement avait dû modifier les modalités de la deuxième étape du 15 décembre en raison des mauvais chiffres (l’objectif de 5 000 contaminations par jour n’a pas été atteint). Pris entre les exigences sanitaires et économiques, mis sous pression par des professionnels empêchés de travailler et des Français désireux de se retrouver à Noël pour terminer cette année de malheur, le Premier ministre a dû progresser sur un chemin de crête de plus en plus étroit, autorisant là certaines choses, en interdisant ailleurs d’autres. 

«Je sais votre lassitude, vos doutes, vos souffrances. Je les partage. Mais je vous dois d’abord la vérité et la transparence sur cette épidémie» a dit hier un Jean Castex qui s’est fait le plus pédagogue possible, assumant de devoir tâtonner, comme d’ailleurs le font nos voisins européens. C’était nécessaire, mais cela sera-t-il suffisant pour les Français ?Car eux aussi sous pression...

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 11 décembre 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...