Accéder au contenu principal

Le virus et la vérité

 

covid

Il y a un an, le monde découvrait la ville de Wuhan, foyer d’un virus inconnu et bientôt épicentre d’une épidémie mondiale qui s’est répandue comme une traînée de poudre en quelques semaines. En dépit des nombreuses alertes qui avaient eu lieu ces dernières années de la part de spécialistes des épidémies, d’infectiologues réputés ou de services de renseignements qui, tous, appelaient à se préparer à de telles pandémies, beaucoup voulaient croire que ce nouveau coronavirus, 18 ans après celui du SRAS, resterait cantonné à la Chine. "Le risque d’importation de cas depuis Wuhan est modéré, il est maintenant pratiquement nul parce que la ville est isolée", assurait même notre ministre de la Santé Agnès Buzyn le 24 janvier… On connaît la suite, l’expansion redoutable du coronavirus SARS-CoV-2 qui a fait aujourd’hui 1,5 million de morts et contaminé 65 millions de personnes dans le monde. Un virus contre lequel tous les pays sont entrés en "guerre" pour reprendre l’expression employée par Emmanuel Macron le 16 mars. Expression forcément exagérée puisqu’on ne peut combattre un virus comme un ennemi dans un conflit, mais expression qui permet de se rappeler ce que Rudyard Kipling disait : "La première victime d’une guerre, c’est la vérité."

Et c’est peu dire qu’en un an, la vérité a été malmenée, oubliée et parfois cachée, dès le départ de l’épidémie en Chine. Pour ne pas déplaire au pouvoir central, les médecins lanceurs d’alerte de Wuhan ont été sommés de se taire, les autorités locales de la région du Hubei n’ont pas alerté Pékin, retardant la prise en compte de l’épidémie par la Chine comme par l’OMS. Et une fois informée de la réalité de cette épidémie aux contaminations exponentielles, l’administration de Xi Jinping a sciemment menti en minimisant les chiffres comme viennent de le montrer des documents accablants révélés par CNN. Ces mensonges sur le début de l’épidémie ont été enfouis sous une habile communication mettant en scène la construction d’un hôpital géant en quelques jours ou l’établissement d’un confinement radical pour des millions de personnes, tandis qu’à l’étranger les "jeunes loups" de la diplomatie chinoise – dont l’ambassadeur en France – vantaient les décisions de Pékin et fustigeaient de façon aussi fausse qu’insultante les actions des démocraties occidentales…

Ces dernières se sont retrouvées comme prises en étau entre l’exigence de transparence que l’on attend d’un état de droit et une kyrielle de théories complotistes dont beaucoup ont prospéré sur l’idée que la Chine n’avait pas tout dit… Les tâtonnements des gouvernements face à une pandémie totalement inédite et mouvante ont débouché sur des maladresses, des erreurs avec la tentation parfois de l’autoritarisme. D’autres, comme les Etats-Unis ou le Brésil, dont les dirigeants ont toujours accommodé la vérité avec des "faits alternatifs", se sont enferrés dans un déni mortifère.

Aujourd’hui, alors que la Chine célèbre sa victoire contre le virus avec des expositions mais emprisonne ceux qui voudraient documenter ce qu’ont vécu les habitants du Hubei, les vaccins permettent de voir le bout du tunnel. Une fois l’épidémie passée, il faudra en tirer les leçons. "Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire", disait Jaurès. 2020 aura montré qu’en termes d’épidémie, il faut aussi protéger la vérité par la raison, la transparence et les faits scientifiques…

(Editorial publié dans La Dépêche du Dimanche du 6 décembre 2020)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Bien manger

C’est un petit logo qui nous est devenu familier lorsque nous faisons nos courses. Impulsé par un règlement européen (INCO) de 2014, établissant des règles pour informer les consommateurs sur la déclaration nutritionnelle ou la liste des ingrédients d’un produit, le Nutri-Score, ses cinq lettres de A à E et ses cinq couleurs de vert à rouge, est désormais bien ancré dans le paysage. De plus en plus présent sur le devant des emballages, on peut même dire que c’est un succès européen puisqu’il est présent non seulement en France, qui l’a introduit en 2017, mais également en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et même en Suisse, qui ne fait pourtant pas partie de l’Union européenne. Face à des étiquettes qui livrent la composition des produits écrite en tout petits caractères difficilement lisibles, certains consommateurs s’étaient déjà tournés vers des applications comme Yuka. Avec un smartphone, il suffit alors de scanner le code-barres d’un produit pour en a