"Oui, c’est dur d’avoir 20 ans en 2020. C’est dur. Donc je ne donnerai jamais de leçon à nos jeunes parce que ce sont ceux qui, honnêtement, vivent un sacrifice terrible, des examens annulés, de l’angoisse pour les formations, de l’angoisse pour trouver un premier job". Cette analyse d’Emmanuel Macron, prononcée lors de son allocution aux Français du 14 octobre dernier qui annonçait le deuxième confinement, avait été critiquée par certains. Le confinement ? Pas plus dur que ce qu’avaient pu vivre les générations précédentes, notamment celles des jeunes de 17 ans engagés dans la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale… La sentence est toutefois un peu courte, car chaque génération vit avec son temps et les difficultés de celui-ci.
Et pour ceux qui ont 20 ans aujourd’hui, et en élargissant pour les enfants, les collégiens et lycéens, c’est peu dire que l’année 2020 aura été éprouvante. À telle enseigne que dans les mois à venir, on pourrait s’apercevoir que ce sont bien eux les principales victimes de l’épidémie de Covid-19, non pas parce qu’ils auront contracté la maladie, mais parce que les mesures prises pour endiguer celle-ci ont bouleversé leur vie et provoqué des problèmes psychologiques dont ils pourraient garder des séquelles.
Les différentes enquêtes menées par la Haute autorité de santé publique (HASP), les constatations étayées des pédopsychiatres et des psychologues qui sont intervenus auprès de jeunes en souffrance, les signalements effectués par les syndicats enseignants ou étudiants, les professeurs ou les infirmières scolaires, et tout simplement les témoignages des parents de ces enfants, adolescents et jeunes adultes montrent combien cette "génération Covid" s’est retrouvée privée de sa vie normale à un moment où chacun de ses membres a besoin des interactions sociales pour se construire. Cette année de confinement/déconfinement, de protocole sanitaire et de port du masque, de gestes barrières et de distanciation entre amis, de cours entre Zoom et courriels a pesé et va peser sur ces jeunes. D’autant plus que durant cette période, ils ont souvent été montrés du doigt : les enfants étaient des supercontaminateurs dangereux pour les aînés, les plus âgés étaient accusés de se moquer des gestes barrières lorsqu’ils se retrouvaient entre amis…
Enfin, il convient de souligner aussi que si la jeunesse a globalement souffert de la crise sanitaire, cette souffrance n’a pas été uniforme : l’épidémie de Covid-19 a mis en lumière la précarité qui touche certains et pas d’autres, et le creusement des inégalités. Autant de raisons pour faire des jeunes l’une des priorités du monde d’après.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 10 décembre 2020)