À deux jours de la nuit du réveillon de la Saint-Sylvestre et du passage à la nouvelle année, il faudrait que les Français fassent mentir… Oscar Wilde. L’auteur anglais se plaisait à dire que "le meilleur moyen de se délivrer de la tentation, c’est d’y céder." En cette fin 2020, marquée par des chiffres élevés de contamination au coronavirus, il faudrait, au contraire, tout faire pour ne pas céder à la tentation de faire la fête. Une tentation qui est, on le sait, très forte. Un an après l’apparition de l’épidémie de Covid-19, après deux confinements éprouvants et deux déconfinements compliqués, l’oppressant couvre-feu qui reste en vigueur dès 20 heures, les cafés et restaurants toujours fermés tout comme les cinémas et les salles de spectacle, c’est peu dire qu’on aimerait tous enterrer cette année 2020 avec nos proches autrement qu’en visioconférence, retrouver un peu le sens de la fête sous les cotillons et se redonner du courage pour 2021.
À ce que nous dicte notre cœur, nous devons pourtant opposer la raison face à une situation épidémiologique qui se dégrade à nouveau en France, au point que ce matin, en Conseil de défense, Emmanuel Macron et ses ministres vont évoquer un possible troisième confinement pour endiguer une troisième vague quasi-inéluctable. Israël, l’Autriche ou l’Irlande s’y sont déjà résolues. La France attend encore quelques heures pour voir l’évolution des courbes, et l’exécutif croise les doigts pour que les Français soient raisonnables ce 31 décembre.
Beaucoup le seront et respecteront à la lettre, comme ils le font depuis le début, les consignes sanitaires. Mais d’autres vont braver les recommandations : 25 % des Français entendent fêter le nouvel an selon un sondage Odoxa, ce qui représente près de 13 millions de personnes. Parmi elles, une majorité de jeunes : 50 % des 15-24 ans et 41 % des 25-34 ans veulent fêter en groupe cette nuit-là. Certains n’ont d’ailleurs pas attendu le nouvel an pour se retrouver ces derniers mois dans des fêtes clandestines, parfois dans des lieux désaffectés, souvent dans des lieux privés, appartements ou locations AirBnB ; souvent en petits groupes mais parfois avec plusieurs centaines d’invités informés via les réseaux sociaux. Inconscience, égoïsme diront certains. Mais ces fêtes constituent aussi pour une part de la jeunesse une soupape qui permet de supporter le poids écrasant de l’épidémie, qui a bousculé les études, la vie sociale, les débuts de la vie professionnelle, et parfois précipité les jeunes dans la précarité économique et psychologique. "Oui, c’est dur d’avoir 20 ans en 2020", admettait en octobre Emmanuel Macron, qui va devoir trouver les mots justes pour convaincre les jeunes de préférer la raison au cœur.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 29 décembre 2020)