L’Histoire retiendra sans doute que l’épidémie de Covid-19 a constitué un tournant pour l’Union européenne, un tournant éminemment positif et plutôt inattendu sur les plans économique et sanitaire.
Sur le plan économique, d’abord, l’Union, grâce l’impulsion de la France d’Emmanuel Macron et de l’Allemagne d’Angela Merkel, a su mettre sous l’éteignoir son implacable orthodoxie budgétaire, s’affranchissant – au moins temporairement – des sacro-saints critères de Maastricht sur les déficits et les dettes. Cette attitude que l’on n’attendait pas a permis de débloquer un plan massif de relance, bâti sur des coronabonds mutualisés pour faire face aux terribles conséquences socio-économiques de la pandémie. L’UE a joué pleinement son rôle sur ces questions économiques qui sont son domaine de compétence.
Mais l’Europe s’est aussi distinguée sur un domaine dont les compétences sont du ressort des Etats membres : la santé. Alors qu’à l’arrivée du coronavirus, chaque Etat a paré au plus pressé, agissant trop souvent sans consulter ses voisins et partenaires pour mettre en place mesures de restrictions et confinements, l’Union européenne a peu à peu introduit de la coordination jusqu’à devenir l’interlocuteur unique concernant l’achat et la distribution des vaccins. Sous la houlette de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, l’Europe a fait preuve de sagesse et de pondération pour pré-réserver et valider les candidats vaccins puis organiser équitablement leur distribution aux populations. Alors que la course au vaccin comprend évidemment une forte dimension géopolitique – avoir le vaccin le premier – et économique, l’Union européenne n’a pas dérogé à ses principes, respectant scrupuleusement les procédures de validation et de contrôle et ne confondant pas vitesse et précipitation. Un vaccin oui, mais pas sans avoir les meilleures garanties en termes de sécurité sanitaire pour les Européens. À l’heure où la défiance contre les vaccins atteint des sommets, notamment en France, une telle attitude est à saluer.
Ainsi en moins d’un an, l’Europe a montré que 60 ans après sa création, en dépit de sa complexité et de ses décisions parfois insupportables ou incomprises, elle était capable de mettre en œuvre des politiques efficaces et solidaires. À l’heure où le Royaume-Uni s’embourbe dans son Brexit, l’Union européenne vient de montrer avec la gestion de cette épidémie inédite que ce que Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe avec Robert Schuman, disait d’elle, est toujours d’actualité : « Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des Hommes ».
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 22 décembre 2020)