Accéder au contenu principal

Kafka va au ski

La Molina
La station La Molina en Espagne

Mi-novembre, un article du grand journal allemand Die Zeit ironisait sur l’« Absurdistan autoritaire » imposé, selon lui, par le gouvernement français à ses concitoyens. « Le verrouillage de la France est si répressif que même les règles sensées tombent en discrédit », écrivait Annika Joeres.Auto-attestations de sortie obligatoires uniques en Europe, contradictions dans les autorisations ou interdictions de vente de certains produits comme les livres dans les supermarchés ou les sapins de Noël, décisions de santé publique prises de façon monarchique par le président de la République en Conseil de défense, Etat d’urgence sanitaire sans cesse prolongé, etc. La charge était sévère et sans doute un peu injuste puisque le confinement à la française a eu au final des effets bien réels pour freiner la circulation du virus et diminuer les hospitalisations… alors que l’Allemagne est en plus mauvaise posture actuellement.

C’est dans ce contexte que le chef de l’Etat puis son Premier ministre ont surpris tout le monde en envisageant de sévir… contre les Français qui voudraient aller skier à l’étranger, faute de pouvoir le faire en France où les stations sont certes ouvertes mais privées de leurs remontées mécaniques. Face à la mésentente européenne sur une fermeture générale de toutes les stations de sports d’hiver durant les vacances de Noël, Emmanuel Macron a donc choisi la méthode forte pour protéger les stations françaises d’une concurrence déloyale… au risque, dans cette précipitation, d’être accusé d’une nouvelle dérive autoritaire et liberticide ou, à tout le moins, d’une ingérence dans la vie des Français au-delà du raisonnable.

Car à côté des aspects purement pratiques – comment seront faits les contrôles, par qui et où ? La tenue vestimentaire ou le matériel sportif seront-ils systématiquement vérifiés ? Quid des chaussures de ski des transfrontaliers qui vont faire leurs courses ou travailler de l’autre côté de la frontière ? Où se feront les quarantaines ? – on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt d’une telle mesure. D’une part parce que la majorité des 10 % de Français adeptes de la montagne skient en France et d’autre part parce que lors de sa dernière allocution, Emmanuel Macron en appelait à « l’esprit de responsabilité » des Français, difficilement conciliable avec des mesures infantilisantes.

« La véritable réalité est toujours irréaliste », assurait Franz Kafka.C’est peu dire que certaines décisions apparaissent effectivement kafkaïennes…

(Commentaire publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 4 décembre)

Posts les plus consultés de ce blog

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...