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Mythe et réalité

 

militaire

 

Dans un pays polarisé, voilà un sujet transversal qui interpelle tous les Français : le retour du service militaire. Ce qui n’était qu’une hypothèse régulière depuis la fin de la conscription, il y a 28 ans, va désormais prendre consistance avec une annonce officielle prévue demain. Jusqu’à présent, les partisans d’un retour du service militaire vantaient sa capacité à être le creuset de la Nation, faisant se côtoyer de jeunes hommes d’horizons sociaux différents. D’aucuns évoquaient la camaraderie des chambrées, l’esprit de corps et les amitiés pour la vie nées dans les casernes. Mais derrière ces souvenirs embellis, la réalité était tout de même bien différente dans les dernières années : le brassage social se faisait au tamis des dispenses des uns et des pistonnages des autres et l’instruction militaire proprement dite s’oubliait aussitôt le service terminé – hormis pour ceux qui optaient pour devenir réservistes.

En 1997, Jacques Chirac a eu la lucidité et le courage politique d’arrêter le service militaire, considérant à la fois que l’engagement des jeunes envers leur pays pouvait se faire de bien d’autres façons, et que l’heure était venue pour la France d’avoir une armée de métier pour répondre aux défis géopolitiques. De fait, la professionnalisation a permis à la France de mener avec succès de nombreuses opérations extérieures.

Depuis 1997, cette nostalgie d’un service militaire et ses supposées vertus, a toutefois perduré. En promettant un Service national universel (SNU), Emmanuel Macron n’en proposait rien d’autre qu’un ersatz. Las ! Mal calibré, peu compréhensible et peu suivi par les jeunes, dépourvu de dimension militaire et très coûteux, ce SNU a été un échec. En lui coupant ses subsides, le Parlement a acté que sa généralisation promue avec entêtement par Emmanuel Macron n’était "ni possible ni souhaitable".

La nouvelle donne géopolitique provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, la redéfinition de la présence militaire française en Afrique et les bouleversements au sein de l’Otan depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, rebat aujourd’hui les cartes. Cette situation nouvelle où la France est devenue une cible potentielle, notamment de la Russie, où la guerre – désormais hybride, informationnelle – est aux portes de l’Europe oblige les Européens à repenser leur défense.

Pour Emmanuel Macron, longtemps promoteur esseulé d’une défense européenne qui prend enfin corps, le réarmement doit être autant industriel – le budget des Armées a été augmenté en ce sens – que psychologique. Au mythe du service militaire d’autrefois, le chef de l’État doit aujourd’hui mettre en avant la réalité pour préparer la Nation à tout conflit éventuel. Et pour cela, comme nos voisins européens, proposer le retour d’un service militaire volontaire dont il faudra toutefois bien définir les contours et les missions en fonction des besoins des Armées.

Reste une question décisive : comment forger, au-delà des réformes et des dispositifs, un réflexe national face au danger ? La France n’est pas condamnée à l’insouciance stratégique ; elle a montré dans son histoire qu’elle savait, dans les moments de tension, abandonner ses querelles pour regarder dans la même direction. L’Ukraine l’a rappelé en 2022 : un peuple qui se croyait divisé peut retrouver, en quelques jours, la cohésion et la détermination nécessaires quand l’essentiel vacille.

Rien n’indique que les Français en seraient incapables. Encore faut-il préparer les esprits, dire les choses sans détour – fut-ce maladroitement comme le général Mandon – et assumer que la puissance n’est pas seulement une affaire de budgets ou de matériels, mais aussi de volonté partagée. Et cela ne dépendra que de nous…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 26 novembre 2025)

 

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