« Les antibiotiques, c’est pas automatique ». Le slogan de cette campagne de sensibilisation est devenu culte et pourtant, vingt-deux ans après son lancement, les Français ne semblent n’en avoir retenu que la musicalité et pas le fond. En effet, la France, vice-championne d’Europe, reste l’un des pays où l’on prescrit et consomme le plus d’antibiotiques. Les dernières données de consommation d’antibiotiques en secteur de ville, publiée par Santé publique France à l’occasion de la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens et de la Journée européenne d’information sur les antibiotiques, sont édifiantes.
Entre 2023 et 2024, on constate une augmentation de 4,8 % des prescriptions, en ville et hors secteur d’hospitalisation, avec plus de 860 prescriptions d’antibiotiques pour 1 000 habitants réalisées au cours de l’année ! On est loin de l’objectif cible de 650 prescriptions pour 1 000 habitants par an d’ici 2027, fixé par la Stratégie nationale de prévention des infections et de l’antibiorésistance.
« Les antibiotiques, c’est pas automatique » et pourtant les Français semblent donc en réclamer toujours plus, mettant la pression notamment sur leur médecin généraliste qui, faute de temps pour faire de la pédagogie, finit parfois par céder… pour éviter que le patient impatient finisse par tomber dans une dangereuse automédication.
Certes, il y a bien des variations de prescriptions et de consommations d’antibiotiques qui diffèrent selon l’âge, le sexe du patient ou les territoires – l’Occitanie est loin derrière l’Île-de-France, PACA et les Hauts-de-France – mais au global, ces mauvais chiffres sont inquiétants. Pour la santé financière de la Sécurité sociale bien sûr mais surtout pour la santé tout court car la consommation excessive d’antibiotiques conduit à une résistance à leurs effets bénéfiques. Il y a donc là une réelle question de santé publique, en France comme ailleurs dans le monde.
Le mois dernier, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a tiré le signal d’alarme et mis en garde contre une résistance généralisée aux antibiotiques courants dans le monde. Entre 2018 et 2023, la résistance aux antibiotiques a augmenté dans plus de 40 % des associations agent pathogène-antibiotique faisant l’objet d’une surveillance. « La résistance aux antimicrobiens va plus vite que les progrès de la médecine moderne et menace la santé des familles dans le monde entier », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, appelant les pays à utiliser les antibiotiques de « manière responsable ».
L’antibiorésistance constitue un danger car elle prolonge les hospitalisations, augmente le recours à des molécules plus coûteuses ou plus toxiques et fragilise des actes médicaux majeurs comme les chirurgies ou les chimiothérapies. Les laboratoires pharmaceutiques explorent bien sûr de nouvelles pistes pour contrecarrer cette antibiorésistance, mais seule une action simultanée sur la surveillance, la prévention, l’innovation thérapeutique et la formation permettra de contenir une menace désormais qualifiée de majeure par l’OMS.
Plus que jamais il faut faire confiance à son médecin et traduire enfin en actes que « les antibiotiques, c’est (toujours) pas automatique… »
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 21 novembre 2025)
