Dans quatre mois vont avoir lieu les élections municipales et pourtant ce scrutin semble être passé sous les radars médiatiques, tous focalisés depuis des mois sur le feuilleton budgétaire à l’Assemblée nationale et la valse des Premiers ministres. Hormis dans la presse quotidienne régionale, la campagne des municipales est comme une campagne quasi-fantôme, et seule la cuisine interne politique des alliances et investitures dans quelques grandes villes – Paris en tête – a arraché un peu d’intérêt. Et pourtant, ces municipales – cette fois organisées sans la perturbation d’une pandémie comme en 2020 – sont importantes tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, le scrutin soulève des inquiétudes en raison des modifications qui sont à l’œuvre. Toutes les communes, y compris celles de moins de 1 000 habitants, vont voter selon un mode de scrutin de liste proportionnel paritaire à deux tours avec prime majoritaire. Fini le scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec possibilité de panachage ; et bienvenu à l’obligation de parité stricte alternant un homme et une femme. Sur le papier, le progrès est tangible ; dans la réalité, un casse-tête s’installe pour trouver candidats et candidates.
Autre nouveauté avec la réforme de la loi PLM, votée à moins d’un an du scrutin et dénoncée comme un tripatouillage par ses opposants. À Paris, Lyon et Marseille, le maire sera désormais élu directement. Si la réforme vise une meilleure représentation pour les conseils municipaux des trois plus grandes villes françaises, elle suscite de fortes inquiétudes sur la stabilité des majorités futures et la qualité de la démocratie locale.
Et puis il y a le fond des municipales. Les attentes des électeurs restent d’autant plus fortes que le maire – traditionnel élu préféré des Français – est celui à qui l’on demande de "tenir", la commune comme le pays, et d’être un rempart de stabilité républicaine et de proximité d’action, quand la politique nationale est devenue illisible depuis la dissolution de juin 2024.
L’étude de l’institut Terram, publiée ce mois-ci, illustre pour la première fois ce phénomène, estimant que les municipales pourraient se gagner sur le terrain du "concret". À rebours des promesses spectaculaires, Terram révèle le besoin d’une "République du maintien" c’est-à-dire garantir la continuité du réel, rendre visibles les priorités et prouver, par l’entretien des réseaux – les infrastructures invisibles que sont les routes, les réseaux d’eau, d’électricité, d’assainissement, etc. – que l’impôt se transforme en biens communs qui tiennent.
En détaillant trois attentes massives des Français – de la clarté (qui fait quoi, avec quels moyens ?), de la fiabilité (entretenir avant d’inaugurer) et de la sobriété (réparer, prolonger, adapter) – Terram met le doigt sur deux points majeurs : le périmètre des compétences des maires et les moyens dont ils disposent.
À l’heure où certains remettent sur la table l’idée de "conseiller territorial" comme solution à l’organisation administrative, il vaudrait mieux redéfinir les compétences entre communes, intercommunalités, départements et régions dans le cadre d’un nouvel acte de décentralisation que réclament les associations d’élus. Ensuite, le statut de l’élu toujours reporté doit devenir une priorité pour protéger les élus, et notamment les maires, en première ligne face aux demandes et parfois aux violences de leurs administrés, qui ont poussé certains édiles à démissionner.
Malgré un mandat éprouvant, usant et fatiguant, six maires sur dix sont pourtant prêts à se représenter en 2026. Comme quoi l’engagement public n’a pas disparu.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 17 novembre 2025)
