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Transparence

 

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La parole politique aurait-elle finalement encore du poids contrairement à ce que pensent certains déclinistes ? En tout cas, les menaces du ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire semblent avoir porté leurs fruits sur les industriels de la grande distribution, qui ont décidé de bouger pour baisser leurs prix.

Après d’âpres négociations annuelles avec la grande distribution, ces derniers avaient obtenu fin mars une hausse de leurs prix de 10 %. Mais avant même que cette hausse ne se répercute sur les produits en magasin, les Français ne pouvaient que constater que l’inflation galopante, qui poursuit sa course depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, faisait toujours augmenter leurs courses.

Si en France l’inflation est dans la moyenne de la zone euro et plus basse que chez certaines de nos voisins, Allemagne ou Italie, dans l’alimentaire, on est largement au-dessus de 12 %. Bruno Le Maire a donc multiplié les appels aux industriels et à la grande distribution pour qu’ils fassent « un effort » sur les prix. Si le gouvernement a renoncé au chèque alimentaire après des mois de tergiversation, il a poussé son « trimestre anti-inflation » qui a fait baisser le prix de certains produits. La grande distribution, qui multiplie depuis des mois promotions et opérations spéciales, notamment sur ses marques propres, a joué le jeu.

En revanche, les industriels de l’agroalimentaire ont traîné les pieds pour revenir à la table des négociations – ce que rien légalement ne les obligeait à faire. Il aura fallu que Bruno Le Maire menace de publier le nom des grandes marques dont les marges sont anormalement élevées - selon l’efficace technique du « name and shame » (nommer pour couvrir de honte) - et qu’il évoque la possibilité d’une taxe sur ces marges pour que les industriels bougent enfin. 200 à 300 produits de grandes marques vont baisser leur prix de « 7,5 à 10 % » pendant trois mois a annoncé l’Association nationale des industries alimentaires (Ania). Ces baisses ponctuelles et éphémères seront-elles à la hauteur de l’attente des Français dont 56 % font du pouvoir d’achat leur priorité n° 1 ?

Dans cette affaire les industriels ont endossé le mauvais rôle, celui de profiteurs de crise. Il faut dire que certains d’entre eux, depuis le retour de l’inflation, n’ont pas hésité à gonfler plus que de raison leurs marges et, par exemple, à pratiquer la « shrinkflation », c’est-à-dire réduire la quantité de produits dans un emballage sans changer le prix affiché, ce qui revient évidemment à une hausse déguisée. La méfiance s’est ainsi installée, s’ajoutant à l’effet psychologique qui veut qu’en période d’inflation, on cherche à débusquer ceux qui en profiteraient.

Les industriels de l’agro-alimentaire ont perdu là l’occasion de faire oeuvre de transparence avec les Français, et leur expliquer que la hausse des coûts des matières premières et de l’énergie qu’ils ont subie a été bien réelle. Mais comme l’a relevé l’Insee, il y a eu « une reconstitution marquée des marges » des industries agroalimentaires à partir du deuxième trimestre 2022, alors que 2021 avait été marquée par une « compression » de ces marges. Si un retour aux prix d’avant crise semble illusoire, 2023 doit marquer une baisse significative et le début d’une réflexion sur des négociations des prix en continu toute l’année pour coller au plus près de la réalité des marchés.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 26 juin 2023)

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