Ils s’appelaient Ambre, Lucas ou Lindsay. Ils avaient la vie devant eux mais celle-ci s’est brisée lorsqu’ils se sont donné la mort. Morts pour ne plus souffrir, morts pour ne plus subir les moqueries dans la cour de récréation ou les sarcasmes sur les réseaux sociaux. Morts parce que notre société n’a pas su protéger ces adolescents du harcèlement scolaire, de l’homophobie, des insultes qu’ils enduraient quasi quotidiennement… Ces multiples affaires, qui émaillent l’actualité depuis des semaines, des mois, des années devraient nous révolter, collectivement et nous pousser à agir.
Comment une société avancée comme la nôtre peut laisser se développer, à l’école, mais aussi hors de l’école, ces comportements toxiques qui poussent des jeunes garçons et des jeunes filles à commettre l’irréparable ? Reçue par le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye, la famille de la jeune Lindsay, cette jeune fille de 13 ans victime de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement dans son collège de Vendin-le-Vieil qui a mis fin à ses jours le 12 mai dernier, a trouvé le ministre « pas sincère » dans ses explications. La mère de l’adolescente réclame, à raison, « des actes » plutôt que des paroles.
Des actes, il y a en pourtant : le programme Phare de lutte contre le harcèlement, les campagnes médias de sensibilisation, la mise en place de numéros d’urgence, une Journée nationale, des formations pour les enseignants et les personnels de l’Éducation nationale… Mais cela n’est pas suffisant. 89 % des Français – quelles que soient leurs appartenances sociale ou politique – considèrent que l’Éducation nationale n’en fait pas assez en matière de lutte contre le harcèlement scolaire. Et les enquêtes montrent que les jeunes eux-mêmes redoutent de tomber dans les rais de camarades harceleurs. 60 % des 10-15 ans pensent ainsi qu’ils pourraient être victimes de harcèlement selon une enquête de l’institut CSA pour Milan Presse. 40 % ont été témoins de faits de harcèlement et 20 % en ont été directement victimes. Effarant. Insupportable.
Face à cette situation, il est temps de passer à la vitesse supérieure, d’aller au-delà de la seule compassion envers les familles et les victimes ou de l’engagement personnel de l’épouse du chef de l’État sur le sujet, aussi sincère soit-il, qui ne saurait tenir lieu de politique. Elisabeth Borne a annoncé mardi dernier vouloir « faire de la lutte contre le harcèlement la priorité absolue de la rentrée 2023. » Initiative louable à condition qu’elle s’accompagne de moyens financiers et humains conséquents.
À condition aussi qu’elle embrasse toutes les problématiques que soulèvent les faits de harcèlement et toutes les difficultés que rencontrent les établissements pour les détecter et les traiter. À condition aussi qu’elle se montre beaucoup plus ferme à l’encontre des plateformes américaines des réseaux sociaux. Dans une société de plus en plus numérisée, on sait combien la socialisation des jeunes se développe sur leur smartphone ou leur ordinateur et donc combien ces outils peuvent prolonger en ligne ou précéder un harcèlement physique.
La lutte contre le harcèlement scolaire, la lutte contre le harcèlement tout court, avec ses violences verbales ou physiques, est un enjeu qui doit tous nous intéresser et nous mobiliser.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 12 juin 2023)