En lançant à quelques semaines d’intervalles deux plans de lutte contre la fraude fiscale et douanière, puis contre la fraude sociale, le gouvernement répond à deux défis économiques et politiques qui sous-tendent le consentement à l’impôt des Français. Dans un pays qui a l’un des taux de prélèvements parmi les plus élevés de l’Union européenne, la question n’est évidemment pas anodine.
Défi économique d’abord évident. La fraude, quelle qu’elle soit, c’est autant de recettes en moins pour l’État et la Sécurité sociale, donc autant de marges de manœuvre en moins pour financer les services publics, les grands chantiers de la transition écologique, de la réindustrialisation, des transports, de la défense, mais aussi tout ce qui relève des fonctions de l’État, police, justice, éducation, etc. La lutte contre les fraudeurs est d’autant plus devenue une nécessité que l’État a déployé un « quoi qu’il en coûte » très dispendieux – mais ô combien indispensable – pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19, puis de la crise énergétique due à la guerre en Ukraine, et enfin des effets de l’inflation, notamment dans l’alimentaire. La dette de la France, qui approche des 3 000 milliards d’euros, a ainsi explosé et l’heure est plus que jamais à la maîtrise des comptes publics, ce que comprennent d’ailleurs parfaitement les Français dont 76 % jugent urgent de réduire la dette publique.
Mais les plans anti-fraude participent aussi d’une problématique éminemment politique, car la politique fiscale d’un gouvernement relève de choix assumés qui seront différents selon que l’exécutif est de droite ou de gauche. À cet égard, la ligne d’Emmanuel Macron et de ses gouvernements depuis 2017 – hormis la parenthèse du quoi qu’il en coûte – est davantage marquée à droite qu’à gauche. La suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune, la baisse des APL, le refus systématique – et parfois à contre-courant de certains élus de la majorité présidentielle – de taxer ponctuellement les superprofits des multinationales, ou encore la baisse des impôts de production des entreprises sont quelques-uns des traits de la politique fiscale d’Emmanuel Macron, auquel colle toujours l’étiquette de « Président des riches ».
Le fait de présenter sur le même niveau les fraudes fiscales et sociales alors que les premières sont sans commune mesure avec les secondes participent aussi au sentiment qu’ont les Français que tout le monde n’est pas égal devant l’impôt, les ultra-riches, passés maîtres dans l’optimisation fiscale, contribuant proportionnellement beaucoup moins que la majorité des Français. Pas étonnant dès lors que lorsqu’Emmanuel Macron a récemment annoncé vouloir baisser les impôts des classes moyennes, 57 % des Français ont jugé cette proposition pas crédible.
La recherche de l’équité devant l’impôt est pourtant bien indispensable car elle est garante de la cohésion nationale et renforce le consentement à l’impôt qui permet à l'Etat de faire face aux grands défis du pays.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 16 juin 2023)