La santé n’a pas de prix, elle a un coût. Le vieil adage populaire ne s’est jamais autant vérifié que lorsque la crise sanitaire du Covid-19 s’est déclenchée. Face à cette pandémie inédite, la solidarité nationale s’est exprimée sans compter. Un « quoi qu’il en coûte » qui a mobilisé des sommes colossales et indispensables pour faire face au choc, mais qui a fait exploser la dette de la France et fait plonger les déficits publics. Trois ans après, mis sous la pression des agences de notation dont l’une, Moody’s, a dégradé la note de la France, et sous celle de l’Union européenne, désireuse de voir les Vingt-Sept renouer avec les critères de Maastricht, le gouvernement s’est lancé dans une quête aux économies.
Lundi, lors des Assises des finances publiques, l’exécutif a assuré avoir identifié « au moins 10 milliards d’euros d’économies » possibles, notamment dans le domaine de la Santé. Dans le collimateur de Bercy, « les dérives » des dépenses en médicaments trop généreusement remboursés et l’explosion des arrêts maladie, trop facilement octroyés par certains médecins.
En hausse de 8 % sur un an, les arrêts maladie ont concerné un salarié sur deux selon le baromètre Malakoff Humanis et pourraient coûter 23 milliards d’euros en 2027 si rien n’est fait. Pour stopper cette dérive, l’Assurance maladie a d’ores et déjà lancé des opérations de contrôle contre des milliers de médecins généralistes, que ces derniers vivent particulièrement mal. Car cette opération survient dans un contexte de vive tension entre les médecins d’un côté, l’Assurance maladie, le gouvernement, et le monde politique de l’autre. Pour les médecins, qui n’ont pas obtenu les revalorisations des tarifs des consultations escomptées et sont menacés par des initiatives parlementaires sur les déserts médicaux qui voudraient encadrer leur installation, les contrôles sur les arrêts maladie sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ils estiment que ces contrôles stigmatisants non seulement ne tiennent pas compte de la réalité de la société qui a profondément changé en trois ans mais pourraient au final décourager les vocations…
En s’attaquant aux arrêts maladie comme il s’est attaqué aux fraudes fiscales et sociales, le gouvernement envoie, d’évidence, des signaux politiques vers une partie de l’opinion exaspérée par les fraudes, quitte à se couper d’un corps électoral, celui des médecins, qui était a priori plutôt favorable aux Marcheurs, et d’une majorité de Français pour qui la santé reste une préoccupation majeure. Surtout, l’exécutif semble tailler à la serpe dans les dépenses de santé – médicaments, frais dentaires… – plutôt que dans d’autres secteurs, sans s’interroger sur la raison de la hausse des arrêts de travail. Ces derniers ne sont pas tous imputables à des médecins ou des assurés indélicats mais reflètent bien une réalité du monde du travail post-Covid sur laquelle on attend toujours une vraie réflexion du gouvernement.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 21 juin 2023)