Lorsque l’on évoque Chicago, la grande ville de l’Illinois, beaucoup d’entre nous convoquent le souvenir d’Al Capone et des organisations mafieuses qui mirent la ville industrielle en coupe réglée au temps de la prohibition, d’autres mettent en avant l’incroyable richesse architecturale d’une mégapole aujourd’hui dynamique et souvent citée en exemple de développement urbain. Demain, peut-être que parler de Chicago nous fera penser aux spectaculaires avancées de la recherche dans la lutte contre le cancer. Car Chicago accueille, en effet, depuis plusieurs années le plus grand congrès international de cancérologie du monde. Sous la houlette de la Société américaine d’oncologie clinique (ASCO), 40 000 oncologues, chercheurs et salariés des laboratoires pharmaceutiques du monde entier – dont de nombreuses équipes de recherche françaises – se réunissent chaque année pour partager leurs travaux et annoncer les résultats de leurs essais.
Et c’est peu dire que l’édition 2023 a été riche en annonces porteuses d’espoir pour les malades du cancer, qui reste l’une des principales causes de mortalité dans le monde avec, selon les chiffres de l’organisation mondiale de la Santé (OMS), 10 millions de décès en 2020, soit presque un décès sur six. Dans le centre de congrès qui borde le lac Michigan, l’enthousiasme était ainsi palpable tant les progrès dans les thérapies se sont accélérés. S’il n’y a pas eu de grande annonce révolutionnaire, le congrès a présenté de nombreux traitements innovants pour les patients atteints de cancers précoces non métastasés et des thérapies personnalisées selon le profil de la tumeur des malades.
Sur le cancer du poumon par exemple, l’un des plus meurtrier au monde avec 1,8 million de décès chaque année, une étude a montré qu’un médicament ciblé, administré en plus de la chimiothérapie dans les cancers opérables, divise par deux la mortalité avec cinq ans de recul. Ce qui signifie un bond de l’espérance de vie d’un à quatre ans. Concernant le cancer du sein, un médicament administré en complément d’une hormonothérapie standard permet de réduire le risque de récidive d’un peu plus de 25 % chez les femmes diagnostiquées à un stade précoce de la maladie.
Des traitements personnalisés, ciblant mieux les tumeurs et s’attaquant à de plus en plus à de cancers, moins répandus voire rares, mais aussi des vaccins anti-cancer qui se développent par exemple contre le papillomavirus humain 16 (HPV-16) ou certains cancers ORL et qui bénéficient parfois des travaux sur l’ARN messager : voilà à quoi travaillent les chercheurs du monde entier pour remporter ce combat du siècle, que l’épidémie de Covid-19 avait partiellement entravé.
Un combat qui doit mobiliser, au-delà de la seule communauté scientifique et médicale, l’ensemble de la société. Diagnostiquer davantage, faire en amont un travail de prévention de la population – 40 % des cancers dus à notre hygiène de vie ou à notre environnement sont évitables – accompagner les malades et leurs proches dans leur vie quotidienne mais aussi adopter des politiques volontaristes pour lutter contre les substances cancérigènes. Avec l’espoir que l’objectif d’un monde sans cancer n’est pas illusoire mais à notre portée.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 8 juin 2023)