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Sparadrap

macron

Faudrait-il, comme l’appellent de leurs vœux les juristes Marie Gren et Julien Padovani dans une récente tribune au Monde, diffuser une plus grande culture constitutionnelle par une formation offerte dès le plus jeune âge à l’école ? En tout cas la question se pose depuis que les Français ont découvert, à l’occasion de l’examen devant le Parlement du projet de loi de réforme des retraites, les subtilités des articles de la Constitution et les méandres obscurs et pointilleux du règlement de l’Assemblée nationale. Article 47.1, vote bloqué, article 49.3, motion de censure, amendements et sous-amendements, commission mixte paritaire, etc. N’en jetez plus !

Bien conscient de ne pas disposer de majorité à l’Assemblée, le camp présidentiel, depuis la présentation en janvier de cette réforme toujours massivement rejetée par les Français, a usé de tous les articles et de toutes les procédures possibles – parfois au mépris des usages et des jurisprudences de la vie parlementaire – pour escamoter le débat, en limiter le temps et, surtout, empêcher un vote au palais Bourbon qu’il savait qu’il perdrait…

Le dépôt d’une proposition de loi Liot pour abroger la loi promulguée mi-avril a remis une pièce dans la machine et, la semaine dernière, nous avons eu droit aux mêmes prises de becs et prises de tête entre la Macronie et ses oppositions, la première voulant tout faire pour empêcher et un débat et un vote qu’elle est assurée de perdre, tandis que les secondes, à l’unisson des syndicats, estiment qu’un vote est nécessaire sur une réforme de cette ampleur. Pour l’heure les députés partisans de la réforme sont parvenus à supprimer en commission des Affaires sociales l’article 1 qui veut abroger le report de l’âge de départ à 64 ans. Article qui devra donc être réintroduit dans l’hémicycle jeudi 8 juin par le groupe Liot… avant vraisemblablement d’être stoppé net par la présidente de l’Assemblée nationale, au prétexte qu’il contreviendrait à l’article 40 de la Constitution qui veut qu’un amendement ne peut créer de nouvelles charges financières pour l’État non compensées par d’autres ressources. Plus de débat, plus de vote… Yaël Braun-Pivet, mise sous pression depuis des jours par l’exécutif, va-t-elle céder ou défendre comme elle le prétend les prérogatives de l’Assemblée face aux injonctions du pouvoir exécutif ?

Quoi qu’il se passe, cette réforme des retraites apparaît de plus en plus comme un sparadrap dont Emmanuel Macron va avoir du mal à se débarrasser. En brusquant les partenaires sociaux comme les députés, c’est-à-dire en bousculant la démocratie sociale et la démocratie parlementaire, le chef de l’État, convaincu d’avoir raison seul contre tous, s’est aliéné une majorité de la population, les syndicats et de potentiels alliés politiques. L’exécutif est persuadé que, le temps faisant, la lassitude l’emportera et que la page des retraites finira par se tourner pour passer à autre chose. Certes mais quoi ? La feuille de route des « cent jours », aussi pléthorique soit-elle avec des mesures concrètes, peine à dessiner un projet de société à même d’entraîner les Français.

À l’heure des grandes transformations du monde, géopolitiques, numériques, écologiques, il manque une vision d’ensemble. Celle qu’Emmanuel Macron n’a pas su ou voulu développer pendant la campagne présidentielle. Celle qu’il devra pourtant bien formuler le 14 juillet, terme des « cent jours », pour remettre sur les rails un quinquennat qui semble toujours aussi enlisé.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 5 juin 2023)

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