Le dénouement dans l’affaire de la disparition de Karine Esquivillon était attendu et redouté. Il s’est précipité dans la nuit de jeudi à hier lorsque le mari Michel Pialle, poussé en garde à vue dans les retranchements de ses contradictions et de ses mensonges par les enquêteurs, a avoué le meurtre et indiqué où il avait dissimulé le corps de la mère de famille de 54 ans disparue le 27 mars dernier.
Depuis cette date, les soupçons n’avaient cessé de grandir à l’égard du mari. D’une part, les témoignages de la famille et des amis de Karine Esquivillon étaient suffisamment nombreux pour battre en brèche l’idée d’un départ volontaire et précipité de la quinquagénaire que Michel Pialle était presque seul à distiller. D’autre part, les découvertes des enquêteurs ont progressivement et inéluctablement resserré les filets sur le mari devenu le principal suspect. Les enquêteurs ont ainsi pu prouver qu’à chaque fois que le téléphone de la disparue retrouvé fortuitement était activé, il avait borné exactement aux mêmes endroits que celui de Michel Pialle. Ils ont également estimé que la tentative de connexion sur une application bancaire du portable de Karine, après sa disparition, ne pourrait très certainement émaner que du mari.
Enfin, les témoignages sur la vie et la personnalité de Michel Pialle récoltés au fil de l’enquête, notamment auprès de son ex-femme, sa mythomanie, son humeur changeante et parfois agressive, ses mensonges invraisemblables sur son métier d’agent secret ou ce juteux contrat de « 15 millions de francs avec le groupe Dassault » annulé « au dernier moment » ont contribué à faire de cet homme aux mille vies le protagoniste clé du dossier.
En fermant toutes les portes, en resserrant toutes les pistes, les enquêteurs n’avaient plus qu’à tenter de faire craquer Michel Pialle en garde à vue, ce qui était loin d’être gagné compte tenu de la personnalité mouvante de l’individu. Mais leur professionnalisme déployé depuis le début de l’enquête a permis de franchir cette étape terrible. La vérité reste encore à cerner, la version d’une mort accidentelle avancée par le mari reste à vérifier, des éléments semblant accréditer la thèse d’une préméditation. Aux enquêteurs, aux experts, à la justice ensuite de comprendre comment ce drame a pu se nouer, quels en sont le mobile et les ressorts intimes.
Chaque dossier est évidemment différent, mais cette enquête rondement menée va redonner l’espoir à toutes les familles qui vivent dans l’inquiétude de savoir ce qu’est devenu un proche disparu. Le temps qui passe est alors souvent l’ennemi de la manifestation de la vérité et complique le travail des enquêteurs. Et pourtant ces derniers, qui sont souvent marqués par les affaires qu’ils ont à traiter, n’abandonnent pas. Tout comme la société ne veut pas abandonner face aux quelque 18 000 disparitions de majeurs et 42 000 disparitions de mineurs inscrites au Fichier des personnes recherchées (FPR) du ministère de l’Intérieur. La création en 2022 d’un pôle « cold case » dédié aux affaires non élucidées participe de cette volonté collective de résoudre ces énigmes.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 17 juin 2023)