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Double défi

A350

En ouvrant ses portes ce matin sur l’aéroport parisien du Bourget, la 54e édition du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace va réunir tous les acteurs d’une filière qui ne s’étaient plus vus depuis 2019 en France. Covid-19 oblige, le rendez-vous de 2021 avait été annulé. Ce sont donc bien des retrouvailles cette année qui permettront aussi de mesurer combien, en quatre années, la donne a changé. Fortement soutenu par des aides publiques, le monde aéronautique a pu surmonter la pandémie qui avait mis à un coup d’arrêt à sa croissance et cloué les avions au sol, et peut même aujourd’hui se réjouir que sa résilience lui permette de renouer avec une réelle reprise et un trafic aérien qui retrouve son niveau d’avant Covid. Mais les défis des années qui viennent semblent colossaux : comment concilier la hausse exponentielle de la demande de transport aérien au niveau mondial tout en engageant la titanesque décarbonation de l’avion ?

D’un côté, selon les prévisions d’Airbus et de Boeing, le besoin d’avions passagers et cargo dans le monde va doubler d’ici 2042, l’avionneur européen tablant sur un besoin de 40 850 avions neufs d’ici à 2042 tandis que son concurrent américain estime que 48 575 appareils seront en service en 2042, contre 24 500 l’année dernière. Il faudra bien répondre à cette demande qui émane notamment de pays émergents dont le développement dépend davantage de l’avion que d’autres infrastructures de transport, absentes ou défaillantes. De l’autre côté, la décarbonation de l’avion paraît, elle aussi, capitale. Même si le transport aérien ne représente que 2,5 % des émissions de CO2 globales, ces dernières ne sont générées que par une toute petite partie de la population mondiale alors qu’elles impactent l’humanité entière. Décarboner l’avion est donc un impératif, presque une responsabilité morale.

Concilier ces deux défis relève du casse-tête d’autant que grossit la pression de ceux qui estiment qu’il faut repenser la façon dont on prend l’avion, certains imaginant même mettre en place des quotas individuels de vols… Le secteur aérien planche pourtant depuis plusieurs années sur la décarbonation et a déjà dégagé plusieurs pistes : carburants bio ou durables, hydrogène, amélioration des performances des avions, etc. Autant d’innovations autour de « l’avion vert » qui mettront du temps à se concrétiser mais qui mobilisent toutes les énergies… et qui soulèvent aussi des questions de souveraineté.

En visite vendredi dans une usine de Safran, Emmanuel Macron a présenté un plan de 2,1 milliards d’euros pour encourager le développement d’un avion « zéro émission » et a annoncé une enveloppe annuelle de 300 millions d’euros entre 2024 et 2030 dédiée à la décarbonation de l’aviation. Pour l’Europe, être leader sur ce sujet est essentiel. Alors que la Chine prend le leadership sur la voiture électrique au détriment de l’Europe qui avait fait de l’automobile sa chasse gardée, alors que l’Union européenne est à la peine dans l’Intelligence artificielle face aux Etats-Unis, conforter son rôle majeur dans l’aéronautique doit être une priorité stratégique.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 19 juin 2023)


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