Un radar tourelle. Photo radars-auto.com |
Depuis l’arrivée en 2003 des premiers radars automatiques de contrôle de la vitesse sur les routes françaises, jusqu’aux derniers radars tourelles utraperfectionnés en passant par les radars chantiers, tronçons, de feux rouges ou mobiles, sans doute pas une semaine n’est passée sans une polémique à leur sujet. Que ce soit leur emplacement, le dépassement de vitesse qu’ils sanctionnent, fût-il de quelques kilomètres par heure, leur signalement en amont aux automobilistes, sans compter l’antienne habituelle de « pompe à fric » pour l’Etat : tout y est passé. Depuis quelques mois, les critiques – que chaque automobiliste flashé a sans doute un jour formulées avec plus ou moins de mauvaise foi – ont dépassé les mots pour se traduire en actes délictueux de destruction. Peinture ici, incendie là, tronçonnage ailleurs : les radars, perçus comme autant de bandits manchots, ont été victimes de la colère et de la bêtise de quelques-uns, au final très coûteuses pour l’Etat quand il s’agit de remplacer les cabines abîmées.
De fait, le radar est aujourd’hui un objet doublement symbolique.
Sur le plan de la sécurité routière, un symbole d’efficacité puisqu’il a permis de faire chuter la mortalité sur les routes qui était inadmissible dans un pays comme la France. D’aucuns peuvent toujours objecter que cette baisse serait de toute façon intervenue grâce à la diminution du trafic routier, à l’évolution des infrastructures, à l’efficacité accrue des services de secours ou encore à l’amélioration technologique des véhicules, beaucoup plus sûrs qu’autrefois. C’est vrai, mais la mise en place des radars a incontestablement modifié, en mieux, le comportement des conducteurs français, qui ont fini par lever le pied. Qui pourrait s’en plaindre alors que la vitesse reste un facteur aggravant de l’accidentologie ?
Le second symbole derrière les radars, beaucoup plus politique, s’est pleinement révélé lors de la décision du gouvernement, en 2018, d’abaisser de 90 à 80 km/h la limitation de vitesse sur certaines routes secondaires. Cette décision « venue d’en haut » – comprendre de Paris – et imposée sans concertation a suscité l’incompréhension et la colère de territoires ruraux en souffrance, où l’absence d’offre de transports en commun suffisante ne permet pas de se passer de sa voiture. Les radars sont devenus dès lors les symboles de cet oukase parisien déconnecté des réalités du terrain et les boucs émissaires de réelles difficultés socio-économiques.
Pour le gouvernement, il convient évidemment d’endiguer les destructions de radars, mais il convient sans doute aussi d’articuler une politique de sécurité routière qui soit davantage à l’écoute des territoires pour que les radars retrouvent leur statut d’outil au service de tous pour sauver des vies.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 28 décembre 2019)