Accéder au contenu principal

Tout change, rien ne change

delevoye


La démission de Jean-Paul Delevoye de son poste de haut-commissaire à la réforme des retraites était inéluctable. Après les révélations en série de la presse sur ses "oublis" dans ses déclarations à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), son départ du gouvernement n’était, en effet, qu’une question d’heures. D’une part parce que ce qui devenait l’affaire Delevoye allait forcément parasiter, du moins en partie, la réforme la plus difficile et la plus contestée du quinquennat, qui n’en a pas besoin. D’autre part, aussi, parce que contrairement aux éléments de langage de la majorité qui martelait depuis plusieurs jours la simple "erreur" et la "bonne foi" du soldat Delevoye en perdition qu’il fallait sauver, il y avait bel et bien matière à s’interroger.

Comment un homme qui fut plusieurs fois ministre a-t-il pu omettre de déclarer la totalité de ses fonctions, fussent-elles bénévoles ; sachant pertinemment que le conflit d’intérêts et la pression de lobbies sur un responsable politique peuvent parfaitement s’exercer sans le versement d’émoluments ? Surtout quand l’une des institutions évoquées dépend, en l’espèce, du monde de l’assurance, très intéressé par les opportunités de la réforme des retraites.

Comment M. Delevoye a-t-il pu considérer que le remboursement des sommes importantes indûment perçues par lui effacerait la faute commise alors qu’il s’agissait entre autres d’un délit au regard de la Constitution ?

En entrant à l’Elysée, Emmanuel Macron avait promis qu’avec le "nouveau monde", on verrait l’avènement d’une République exemplaire et la moralisation de la vie publique. Force est de constater qu’entre les affaires Benalla ou de Rugy, les mises en examen au MoDem ou les précédentes omissions de certains membres du gouvernement dans leurs déclarations à la HATVP, il y a loin de la coupe aux lèvres. Un vrai problème à l’heure où la défiance des citoyens envers leurs élus n’a jamais été aussi forte…

Ceci étant, la retraite forcée de Jean-Paul Delevoye, macroniste de la première heure, est un coup dur et un nouveau casse-tête pour le gouvernement, alors que se tient aujourd’hui une journée de mobilisation cruciale des opposants à la réforme. Par qui remplacer cet homme madré qui connaissait le sujet sur le bout des doigts et qui, malgré plusieurs couacs avec Matignon ou l’Elysée, avait l’avantage d’être depuis presque deux ans l’interlocuteur des syndicats ? Surtout, le départ de Jean-Paul Delevoye ne change finalement pas grand-chose à la donne. Tout change, rien ne change… Avec ou sans lui, l’opposition à la réforme reste la même : haro sur l’âge-pivot pour la CFDT et l’UNSA, retrait pur et simple du projet pour la CGT et FO. Et le contexte reste inchangé avec une trêve de Noël dans le mouvement qu’espèrent les Français mais qui pourrait ne jamais se concrétiser…

Jean-Paul Delevoye parti, Edouard Philippe est plus que jamais en première ligne, dernier rempart avant Emmanuel Macron, qui, tôt ou tard, devra intervenir dans ce dossier miné. Car pour trouver l’étroit chemin de crête entre l’abandon du projet – impensable pour l’exécutif – et son maintien en l’état – tout aussi improbable –, il va bien falloir remettre l’ouvrage sur le métier et imaginer une Version 2…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 17 décembre 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah – ...

Le prix de la sécurité

C’est l’une des professions les plus admirées et respectées des Français, celle que veulent exercer les petits garçons et aussi les petites filles quand ils seront grands, celle qui incarne au plus haut point le sens de l’intérêt général. Les pompiers, puisque c’est d’eux dont il s’agit, peuvent évidemment se réjouir de bénéficier d’une telle image positive dans l’opinion. Celle-ci les conforte et les porte au quotidien mais si elle est nécessaire, elle n’est plus suffisante pour faire face aux difficultés qu’ils rencontrent au quotidien, opérationnelles, humaines et financières. Opérationnelle d’abord car leurs missions ont profondément changé et s’exercent avec plus de contraintes. De l’urgence à intervenir pour sauver des vies – presque 9 opérations sur 10 – on est passé à des interventions qui ne nécessitent parfois même pas de gestes de secours et relèvent bien souvent davantage de la médecine de ville voire des services sociaux. C’est que les pompiers sont devenus l’ultime recour...

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...