Accéder au contenu principal

Nécessaires garanties


secte

C’était le 18 novembre 1978, à Georgetown, au Guyana. 923 membres du Temple du Peuple, la secte fondée par le révérend Jim Jones en 1955 aux États-Unis, trouvaient la mort, après que le gourou les a forcés à un suicide collectif. Le choc mondial suscita une prise de conscience sur la dangerosité des mouvements sectaires et la nécessité d’une réponse politique. En France, elle viendra avec la remarquable opiniâtreté de quelques élus. Comme le député Alain Vivien qui remit en 1983 un premier rapport sur "Les sectes en France. Expression de la liberté morale ou facteurs de manipulation ?". Comme les députés Alain Gest et Jacques Guyard qui publièrent en 1996 un nouveau rapport après les suicides-massacres des membres de l’Ordre du Temple Solaire au Canada, en Suisse et en France. On peut aussi citer l’engagement de Jean-Pierre Brard, Nicolas About, Catherine Picard, ou Georges Fenech, Philippe Vuilque, etc. Leur implication dans la lutte contre les sectes a permis la création de l’Observatoire interministériel sur les sectes en 1996, puis de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) en 2002.

Ce rappel historique est aujourd’hui nécessaire car le transfert de la Miviludes de Matignon vers le ministère de l’Intérieur, au sein d’un secrétariat spécialisé dans la radicalisation (le CIPDR, Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation), pose question sur son bien-fondé et inquiète à juste titre les associations d’aides aux victimes des sectes.

Car depuis 17 ans, la Miviludes, qui regroupe des conseillers de l’Intérieur, de la Justice, de la Santé, des Finances, de l’Education et des Affaires étrangères, a acquis un savoir-faire incontestable, reconnu en France comme à l’étranger. Cette Mission est devenue un outil incontournable dans la connaissance des mouvements sectaires qui ont beaucoup évolué ces dernières années. Des grandes sectes des années 80-90, on est passé à une mosaïque plus diffuse, presque insaisissable, composée de milliers d’acteurs navigant entre univers du bien-être et psycho-spiritualité. Mais l’abus de faiblesse et l’appât du gain de cet aréopage de charlatans restent une constante, de même que les dégâts qu’ils provoquent chez leurs victimes et leurs familles.

Ces dernières, mais aussi les associations qui les soutiennent, avaient jusqu’à présent un interlocuteur bienveillant et efficace. Qu’en sera-t-il demain lorsque la Miviludes sera absorbée dans une structure dont la lutte contre les dérives sectaires ne sera pas l’unique priorité ?

Le Premier ministre a récemment assuré que les missions de la Miviludes seront préservées et qu’"il est de bonne administration que l’action publique relève des ministères." Certes, mais c’est justement l’autonomie de la Miviludes, son fonctionnement transverse entre plusieurs ministères, qui a fait son efficacité et l’a sans doute rendue hermétique aux lobbies des mouvements sectaires. Le gouvernement doit préciser prochainement la nouvelle organisation ; il doit surtout apporter urgemment des garanties à la hauteur de vingt ans d’engagement contre le fléau des sectes.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 30 décembre 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Sortir des postures

Le cortège d’une manifestation ou un rassemblement pour fêter la victoire d’un club sportif qui se terminent par des émeutes, des dégradations de mobilier urbain et de vitrines de magasins, parfois pillés, et des attaques violentes des forces de l’ordre par des hordes encagoulées dans un brouillard de gaz lacrymogènes… Les Français se sont malheureusement habitués à ces scènes-là depuis plusieurs décennies. Comme ils se sont aussi habitués aux polémiques politiciennes qui s’ensuivent, mêlant instrumentalisation démagogique, règlement de comptes politiques et critiques d’une justice supposément laxiste. Le dernier épisode en date, qui s’est produit samedi soir à Paris à l’occasion de la victoire du PSG face à l’Inter Milan en finale de la Ligue des champions, ne fait, hélas pas exception à la règle. Au bilan édifiant – deux morts, des dizaines de blessés, plus de 600 interpellations, des rues et magasins saccagés – s’ajoutent désormais les passes d’armes politiques. Entre l’opposition e...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Principes et réalité

Seize mois après les manifestations historiques des agriculteurs, nées en Occitanie à l’hiver 2024 en dehors des organisations syndicales traditionnelles, voilà la colère paysanne de retour. Ce lundi, à l’appel notamment de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, et après de nombreuses actions ponctuelles ces dernières semaines, les tracteurs seront, en effet, à nouveau dans les rues pour dire l’exaspération des agriculteurs de voir les mesures promises si lentes à se mettre en place et pour rappeler l’urgence à agir aux députés, qui examinent ce lundi à l’Assemblée nationale une proposition de loi clivante lancée par le sénateur LR Laurent Duplomb. Ambitionnant de « lever les contraintes », ce texte, plébiscité par le monde agricole mais qui ulcère les défenseurs de l’environnement et les tenants d’un autre modèle agricole, propose entre autres de faciliter le stockage de l’eau, de simplifier l’extension des élevages, de réintroduire certains pesticides dont un néonicotinoïde qu...