« Toute pensée occupant uniquement notre esprit devient vraie pour nous et a tendance à se transformer en acte », disait Emile Coué, le père de la méthode éponyme. Une méthode que semble expérimenter depuis plusieurs semaines le gouvernement sur sa réforme des retraites, en martelant les mêmes éléments de langage selon lesquels le projet serait juste et équitable. Mais la méthode, visiblement, a ses limites et ne convainc ni les syndicats ni une majorité de Français qui sont inquiets pour leur avenir et celui de leurs enfants.
Car dès qu’il s’agit de rentrer dans les détails, le flou opère et les explications fournies sur les plateaux télés par l’exécutif ou des députés de la majorité sur la valeur du futur point, la prise en compte de la pénibilité ou l’application de cet âge-pivot à 64 ans – qui a fait basculer la CFDT dans le camp des opposants – restent peu claires. De couacs en erreurs de communication, le gouvernement a réussi l’exploit de transformer une réforme qui aurait pu être un modèle de co-construction collective en une machine à fabriquer de l’anxiété et de la colère…
La clarté, c’est, d’évidence ce qui manque, et ce que devra impérativement apporter le Premier ministre Edouard Philippe aujourd’hui lorsqu’il recevra les partenaires sociaux, patronat et syndicats. Ces derniers sont en position de force après le succès de la journée de mobilisation d’hier, qui a réuni entre 615 000 et 1,8 million de manifestants. Si l’opposition au projet est diverse – la CFDT et l’UNSA sont pour la retraite à points mais contre l’âge-pivot ; la CGT et FO veulent le retrait total de la réforme – elle n’en est pas moins massive et ne peut plus être ignorée.
« Gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix », disait Pierre-Mendès France dont Edouard Philippe avait convoqué la mémoire en présentant la réforme le 11 décembre dernier. Pour sortir de la crise, le Premier ministre devrait dès lors relire son prédécesseur, qui estimait que « le devoir des hommes responsables, c’est de proposer des solutions claires, nettes, et limitées, rédigées dans le langage du peuple, des solutions que chacun puisse comprendre et juger… »
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 18 décembre 2019)