Emmanuel Macron. Photo Kremlin |
Le bras de fer entre les opposants à la future réforme des retraites et le gouvernement d’Emmanuel Macron connaîtra-t-il un épilogue mercredi 11 décembre, date de l’annonce par Edouard Philippe de " l’intégralité du projet" ? Ou installera-t-il un blocage durable similaire à celui de 1995 voire à celui de Mai-68 comme l’évoquent certains ?
Pour l’heure la seule certitude est que les trois journées qui s’annoncent vont être cruciales. Et, depuis les Trois Glorieuses de 1830, l’histoire de France montre que tout peut basculer en trois petits jours… D’ici mercredi chaque partie va donc pousser ses pions au maximum.
Pour les syndicats – et en premier lieu la CGT – ce conflit autour des retraites sonne comme une revanche, celle de mobiliser avec succès contre une réforme de l’exécutif, ce qu’ils n’avaient su et pu faire lors des ordonnances travail ou lors de la réforme de la SNCF. Leur opposition à cette réforme des retraites les remet en selle comme interlocuteurs incontournables et fers de lance des corps intermédiaires longtemps boudés par Emmanuel Macron. Forts du succès de la mobilisation de jeudi dernier, les syndicats ne veulent rien lâcher de leurs revendications et entendent bien tenir "jusqu’au retrait" du projet.
Pour le gouvernement, cette réforme des retraites devient jour après jour un véritable chemin de croix. Tout avait pourtant bien commencé avec de longues concertations débouchant sur le rapport Delevoye. Mais depuis l’été, le gouvernement a sous-estimé la défiance sur sa réforme-phare et, surtout, a multiplié les erreurs de communication, les couacs entre ministres laissant un sentiment d’impréparation. Cette cacophonie inédite a entretenu un véritable flou suscitant l’anxiété des Français. Surpris par l’ampleur des manifestations, l’exécutif a accéléré son calendrier. Edouard Philippe, qui n’a pas la raideur de son mentor Alain Juppé, semble prêt à faire des concessions sur certains points de la réforme tout en en conservant deux lignes rouges : la fin des régimes spéciaux et l’instauration d’un système à point. Soit les deux casus belli pour les syndicats…
Il y a fort à parier que tôt ou tard Emmanuel Macron devra intervenir en personne car au-delà des retraites, c’est bien sa politique globale qui est ciblée par la coagulation de nombreuses colères. Céder sur le dossier des retraites et sa crédibilité de réformateur en serait durablement entamée, handicapant la suite du quinquennat et une future candidature pour 2022. S’obstiner et ce serait prendre le risque d’un blocage long aux conséquences économiques, sociales et politiques dangereuses. Pour le chef de l’Etat, il n’y a sans doute qu’un chemin, une ligne de crête étroite mais tangible : une remise à plat de la réforme avec l’esprit de rassemblement, le fameux "en même temps" qui avait prévalu lors de sa campagne présidentielle. Bref, arriver au point d’équilibre qui semble aujourd’hui introuvable...
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 9 décembre 2019)