Accéder au contenu principal

L'heure de vérité

edouardphilippe
Edouard Philippe. Photo Florian David (Matignon)


"Celui qui excelle à résoudre les difficultés les résout avant qu’elles ne surgissent. Celui qui excelle à vaincre ses ennemis triomphe avant que les menaces de ceux-ci ne se concrétisent". Ce conseil de Sun Tzu, général chinois connu pour avoir rédigé "L’art de la guerre", Emmanuel Macron aurait sans doute dû le faire sien avant d’engager la tentaculaire réforme du système des retraites sur laquelle tous ses prédécesseurs s’étaient soit défilés soit cassé les dents. Fort de sa capacité à avoir conduit, sitôt élu, des réformes réputées compliquées – Code du Travail, statut de la SNCF – sans rencontrer d’opposition syndicale ou politique insurmontable, le chef de l’Etat a cru pouvoir s’attaquer à réformer les retraites avec une méthode simple pour s’assurer une adhésion maximale : mettre en place une longue concertation menée par un politique madré, Jean-Paul Delevoye, pour aller vers une retraite à points universelle.

Simple, basique, mais présomptueux… Car ce faisant, Emmanuel Macron a sous-estimé les aléas d’un dispositif qui, au fil des mois, s’est complexifié, au point de devenir une usine à gaz peu lisible, tant sur le fond que la forme. S’agissait-il pour l’exécutif de seulement penser un nouveau système (réforme systémique) ou de colmater les déficits de l’existant (réforme paramétrique) ? Sur la forme, la multiplication des couacs de communication (sur la clause du grand-père, l’âge pivot, la pénibilité, les spécificités qui pourraient être conservées après la suppression des régimes spéciaux, la date d’entrée de la réforme, etc.) a mis à mal la méthode Macron et fait que le flou a fini par l’emporter.

La concertation, transformée en valse-hésitation, a ainsi suscité l’anxiété des Français et la colère des organisations syndicales – y compris les plus réformatrices – pour lesquelles concertation n’équivaut pas négociation…

En conduisant cette réforme non pas dans la foulée de son élection mais deux ans et demi après, Emmanuel Macron a aussi sous-estimé qu’elle pourrait catalyser toutes les colères que chaque chef d’Etat peut connaître au cours de son mandat. Et de fait, un an après l’émergence du mouvement des Gilets jaunes, les cortèges ciblent autant la réforme des retraites que la politique globale du gouvernement, voire le style personnel du Président.

Dès lors, et même si la mobilisation d’hier a clairement fléchi par rapport à celle de jeudi dernier, aujourd’hui midi sonnera bien comme l’heure de vérité pour l’exécutif. En dévoilant – enfin – le projet du gouvernement, arbitré dans la précipitation ce week-end, Édouard Philippe devra afficher suffisamment de souplesse et de concessions pour trouver des alliés et retourner l’opinion, sans pour autant apparaître comme reculant sous la pression de la rue.

Un sacré "en même temps"…

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 11 décembre 2019)

Posts les plus consultés de ce blog

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Grandiose !

  Cent ans après les JO de Paris de 1924, les XXXIIIes Jeux Olympiques d’été de l’ère moderne se sont ouverts hier dans la Capitale au terme d’une cérémonie d’ouverture exceptionnelle qui est entrée dans l’histoire en en mettant plein les yeux au monde entier. Les athlètes ont défilé non pas dans un Stade olympique mais en bateau, sur la Seine, sur un parcours rythmé par une mise en scène de toute beauté mettant en valeur la France, son patrimoine, son Histoire, ses talents, avant de rejoindre le Trocadéro devant une Tour Eiffel parée des anneaux olympiques. Nul doute que cette cérémonie réussie, émouvante, populaire, inédite, fera date en se rangeant dans la longue liste des défilés qui ont marqué les JO mais aussi l’histoire de notre pays, de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 à celle pour le Bicentenaire de la Révolution française en 1989, en passant par la Libération de Paris dont on va bientôt célébrer les 80 ans. Cette cérémonie ponctue plusieurs années de préparation po

Guerres et paix

La guerre menace encore une fois le Pays du Cèdre, tant de fois meurtri par des crises à répétition. Les frappes israéliennes contre le sud du Liban et les positions du Hezbollah ravivent, en effet, le spectre d’un nouveau conflit dans cette Terre millénaire de brassage culturel et religieux. Après quinze années de violence qui ont profondément marqué le pays et ses habitants (1975-1990), la paix est toujours restée fragile, constamment menacée par les ingérences étrangères, les divisions communautaires et une classe politique corrompue. La crise économique sans précédent qui frappe le pays depuis 2019, puis l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth en 2020, symbolisant l’effondrement d’un État rongé par des décennies de mauvaise gouvernance, ont rajouté au malheur de ce petit pays de moins de 6 millions d’habitants, jadis considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Victime d’une spectaculaire opération d’explosion de ses bipeurs et talkies-walkies attribuée à Israël, le Hezbollah –