Au lendemain de sa décision surprise de se soumettre à un vote de confiance des députés le 8 septembre prochain – vote qu’en l’état des déclarations des formations politiques, il est assuré de perdre – François Bayrou le kamikaze veut croire qu’il peut encore convaincre ses opposants de changer d’avis et ainsi réaliser une spectaculaire remontada. D’aucuns parmi ses partisans saluent à l’envi depuis lundi le « panache » du Premier ministre et son « courage » de mettre enfin les responsables politiques devant leurs « responsabilités ». Hier encore devant la CFDT, François Bayrou, engagé dans un baroud d’honneur, martelait que le choix se ferait dans 13 jours au Palais Bourbon entre « le chaos ou la confiance », « le chaos ou la responsabilité ». Ce « moi ou le chaos » ne convaincra sans doute ni les oppositions, ni les Français.
Car plus que le panache, c’est le péché d’orgueil mâtiné d’un coup politique qui semble avoir guidé le madré Béarnais. Si la situation est aussi apocalyptique qu’il le dit et le répète – elle est effectivement grave et personne ne le conteste – pourquoi, en homme d’État, ne pas se battre pied à pied et défendre son budget et le bien-fondé de ses mesures impopulaires devant l’Assemblée en octobre ? Expliquer en quoi elles sont justes, efficaces et irremplaçables ?
À l’humiliation d’une possible censure telle que celle infligée à Michel Barnier, François Bayrou a préféré choisir la date de sa chute, coupant l’herbe sous le pied des parlementaires d’opposition et de tous ceux qui appellent à bloquer le pays le 10 septembre. Le Premier ministre est persuadé qu’en quittant ainsi Matignon, l’histoire lui saura gré de sa constance et en fera l’héritier de Pierre Mendès-France – c’est osé. Un départ la tête haute qui pourrait même, qui sait, nourrir l’ambition présidentielle qui ne l’a jamais vraiment quitté…
Reste qu’en décidant de précipiter son départ, François Bayrou acte l’échec de sa méthode. Au lieu de présenter mi-juillet des mesures dures et en faire d’office une base de discussion avec les oppositions, pourquoi ne pas avoir fait l’inverse, discuter d’abord et chercher des compromis pour proposer un autre budget ? Erreur fatale qui aurait pu être rattrapée en amendant son projet, en promettant comme il l’a esquissé lundi qu’il aurait pu ne pas utiliser le 49-3 pour laisser le Parlement co-construire le budget. En décidant de se soumettre à un vote de confiance avant le débat budgétaire, François Bayrou s’est aliéné cette possibilité.
Lundi après-midi le Premier ministre a expliqué sa décision en parlant de « clarification », le même terme utilisé en juin 2024 par Emmanuel Macron pour justifier la dissolution. On connaît la suite : une assemblée plus chaotique et divisée que jamais et un brouillard politique dans lequel se diluent la crédibilité du pays et la confiance des citoyens dans leurs représentants. Le 8 septembre au soir, le brouillard sera un peu plus épais et Emmanuel Macron – qui ne devrait pas retenter une dissolution – aura la lourde tâche de le dissiper en cherchant le nom de son cinquième Premier ministre en trois ans et en espérant que cette perle rare puisse tenir jusqu’à l’élection présidentielle…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 27 août 2025)