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Carte maîtresse

  

Eric Lombard

Et si dans le jeu gouvernemental, Eric Lombard constituait finalement la vraie carte maîtresse de François Bayrou, celle qui est moins flamboyante et moins tape-à-l’œil que certaines autres mais qui, le moment venu, permet d’emporter – même provisoirement – la partie, par exemple celle du Budget ? En tout cas, à l’heure où la scène politique est dominée par le bruit et les postures, le ministre de l’Économie et des Finances, inconnu du grand public, se distingue de ses collègues en cultivant une rare discrétion, appuyée sur un certain nombre de qualités essentielles pour un gouvernement qui n’a pas été plébiscité par les urnes, qui ne dispose pas de majorité à l’Assemble et qui évolue dans une situation politique plus éclatée et polarisée que jamais.

Ainsi, par rapport à Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, ministres en vue de l’Intérieur et de la Justice omniprésents dans les médias et lancés dans une course à l’échalote pour bousculer l’état de droit en adoptant des positions sans cesse plus à droite, Eric Lombard affiche sans esbroufe son pedigree de gauche, nourri auprès d’un grand-père qui fréquenta Léon Blum, et confirmé auprès de Michel Rocard, père de la deuxième gauche. Un ADN qui l’a d’ailleurs conduit à s’exprimer sur l’explosif débat sur le droit du sol, estimant que le dispositif législatif actuel est « satisfaisant ». Un ADN qui a, surtout, fait de lui l’émissaire idéal de François Bayrou pour jeter des ponts avec la gauche en général et les socialistes en particulier et éviter ainsi au Béarnais de finir censuré comme Michel Barnier.

Seconde qualité, là où les patrons de Bercy ont été ces dernières années de purs politiques avec des ambitions et un agenda parfois très personnels, Eric Lombard apparaît comme un expert. Ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, où il a œuvré pour le rapprochement de la Caisse avec le groupe La Poste, ainsi que pour celui entre CNP Assurances et La Banque postale, ancien conseiller ministériel à Bercy, Eric Lombard connaît son sujet, les finances publiques et ce qu’elles impliquent sur le terrain, notamment auprès des collectivités locales.

Enfin, ce qui distingue Éric Lombard n’est pas seulement son expertise, mais aussi son approche du pouvoir. Comme l’ancien Premier ministre Jean Castex qui était un haut fonctionnaire peu connu avant d’être nommé à Matignon, Eric Lombard privilégie le sérieux à la communication, l’efficacité aux polémiques. Il croit en un État fort, mais soucieux du dialogue et de l’intérêt général. Une posture qui tranche évidemment avec la brutalité d’expression de certains ministres.

Dans une période où les tensions s’exacerbent, où la droite se radicalise et où la gauche peine à se structurer, un profil comme celui de Lombard devient dès lors précieux. Il est de ceux qui, loin des projecteurs, travaillent à bâtir des consensus durables. Or, c’est précisément ce dont Bayrou a besoin : un homme capable de rassurer les socialistes sans effrayer l’électorat modéré, un négociateur plus qu’un tribun, ni dogmatique ni opportuniste, mais ancré dans la recherche de ce compromis qui a tant de mal à trouver son chemin en France.

Ce positionnement peut sembler en décalage avec l’air du temps, mais pourrait bien s’imposer comme une nécessité dans les mois à venir. Reste à savoir si, dans un paysage dominé par le spectaculaire, cette approche pondérée et nuancée peut encore trouver l’écho qu’elle mérite.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 13 février 2025)

 

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