Interrogé à l’Assemblée nationale le 11 février dernier sur ce qu’il savait des violences physiques et sexuelles subies par des élèves du collège et lycée privé catholique Notre-Dame-de-Bétharram – dans lequel son épouse a enseigné et où plusieurs de ses enfants ont été scolarisés – François Bayrou aurait pu répondre qu’il était au courant mais n’avait pas mesuré, à l’époque, l’ampleur de ce qui est aujourd’hui le plus grand scandale de violences et de pédocriminalité touchant un établissement scolaire.
Las ! Le Premier ministre, alors ministre de l’Éducation nationale lors de la première plainte en avril 1996, puis président du Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques lors de la seconde fin 1997, s’est enferré dans des explications floues qui, jour après jour, s’effondrent devant l’évidence et les témoignages, et le fragilisent politiquement.
Après avoir assuré n’avoir « jamais été informé de quoi que ce soit, de violences ou de violences a fortiori sexuelles », François Bayrou – qui évoquait en mars 2024 « des rumeurs » – a admis qu’il avait rencontré en 1998 le juge d’instruction, son voisin… mais sans parler de la 2e affaire de viol dont était accusé le père Carricart, tout-puissant directeur de l’établissement. L’ancien magistrat affirme pourtant qu’ils avaient évoqué l’affaire et a dit à Mediapart ne pas comprendre pourquoi François Bayrou le « dément aujourd’hui ».
La position de François Bayrou – qui tente désormais piteusement d’impliquer le gouvernement Jospin pour contenir les appels à sa démission – s’avère intenable car dès l’affaire Carricart connue, chroniquée par la presse locale dont La Dépêche du Midi, tout le monde savait de quoi il retournait. Il a fallu bien du courage aux jeunes victimes pour parler, raconter leur calvaire et tenter de soulever la chappe de plomb qui pesait sur Bétharram, méticuleusement maintenue par des notables adeptes de la pire des omertas pour préserver la « réputation » de « leur » établissement.
De par sa position de figure politique nationale, incontournable dans le département, de par son magistère moral François Bayrou aurait pu sortir du silence, agir, demander des comptes pour faire cesser violences et brimades, écouter puis soutenir les victimes. Il ne l’a pas fait à l’orée des années 2000 ni les années suivantes et il a fallu attendre samedi dernier pour qu’il rencontre le collectif des victimes, esquisse un minimum de compassion et annonce – c’est bien le moins – des moyens suffisants pour que la justice fasse son travail.
L’essentiel maintenant est que les projecteurs se braquent davantage sur les dizaines de victimes, sur les responsabilités notamment au sein de l’enseignement catholique – la commission parlementaire qui se dessine y aidera – plutôt que sur les atermoiements d’un Premier ministre aujourd’hui seul face à sa conscience.
(Article publié dans La Dépêche du Midi du jeudi 20 février 2025)