En pleine journée de deuil national pour Mayotte et un énième report aussi déplorable qu’irrespectueux des Français, ces derniers apprécieront-ils le « cadeau de Noël » du gouvernement Bayrou, alors que 65 % disaient ne pas lui faire confiance pour nommer une équipe qui « corresponde à leurs attentes » ? En tout cas, comme les cadeaux que l’on reçoit avec la grimace, la joie de recevoir ne devrait pas l’emporter sur le plaisir d’offrir.
Car, à dire vrai, ce gouvernement Bayrou ressemble furieusement à un gouvernement Barnier Bis… puisque soutenu par le même « socle commun » comprenant les partis présidentiels Renaissance, MoDem et Horizons, associés aux Républicains. Un socle fragile, toujours miné par les ambitions présidentielles de ses chefs, Attal, Wauquiez, Philippe, et peut-être quelques autres comme le revenant Darmanin… et toujours sous surveillance d’un Rassemblement national qui a pesé sur la composition du gouvernement pour écarter Xavier Bertrand, bête noire de Marine Le Pen.
Le maire de Pau rêvait d’un gouvernement composé avec un tiers de droite, un tiers de centre et un tiers de gauche. C’est raté. Son équipe « resserrée » penche, comme celle de son prédécesseur, très nettement à droite, lestée par le maintien du très clivant Bruno Retailleau, devenu incontournable au ministère de l’Intérieur. Là où Michel Barnier ne voulait pas un gouvernement de personnalités – c’était réussi, la plupart des ministres étaient inconnus des Français – François Bayrou voulait miser sur des poids lourds politiques expérimentés. Beaucoup font leur retour au premier plan comme l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne à l’Éducation nationale, l’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à la Justice ou le retour surprise aux Outre-mer de Manuel Valls.
Il y a tout de même quelque chose de consternant de voir l’ancien Premier ministre socialiste, qui ne cessait depuis 2017 de multiplier les offres de services à la Macronie – en vain – faire fi du front républicain qui s’était dressé contre le RN l’été dernier et accepter de rejoindre un gouvernement dont la survie dépend de l’extrême droite. Celle-là même qui a mis son veto sur Xavier Bertrand et qui menace de son épée de Damoclès le nouveau gouvernement…
Avec une telle équipe – fut-elle de fortes personnalités connues – avec la même majorité étriquée du « socle commun » dont les partis ont montré leur incapacité à travailler en cohérence, avec, enfin, une Assemblée dont les oppositions sont les mêmes que celles qui ont fait chuter Michel Barnier, les Français sont en droit de se demander si le gouvernement Bayrou passera l’hiver.
D’autant plus que pour franchir « l’Himalaya » que constituera la confection du Budget 2025, François Bayrou ne semble pas vouloir bouger d’un iota de la politique macroniste sanctionnée dans les urnes l’été dernier et reste soumis au diktat d’Emmanuel Macron sur la politique de l’offre ou la très contestée réforme des retraites de 2023. Face aux formations du Nouveau front populaire – coalition arrivée en tête des législatives – le Premier ministre a à peine esquissé vendredi dernier une vague conférence sociale pendant plusieurs mois mais sans suspendre la réforme…
Sur le reste, le François Bayrou semble s’inscrire dans les pas de Michel Barnier et pourrait donc subir le même sort de la censure. À moins que son discours de politique générale, le 14 janvier, montre une inflexion, une émancipation par rapport à Emmanuel Macron, et un changement de méthode pour espérer réparer et réconcilier un pays de plus en plus marqué par une fatigue démocratique…