Depuis 2017, tel le sparadrap du capitaine Haddock, la réforme des retraites n’en finit pas d’occuper le débat public. Son adoption au forceps l’an passé par 49-3 à l’Assemblée nationale, sans véritable débat et contre l’avis des Français et des syndicats, a marqué au fer rouge la politique d’Emmanuel Macron et pèsera d’évidence lorsqu’il s’agira de faire son bilan politique.
Tout avait pourtant bien commencé. Lors de son premier quinquennat, Emmanuel Macron avait osé proposer une petite révolution pour en finir avec les réformes qui s’enchaînaient depuis des années sans jamais régler le problème du financement : changer de système avec la retraite par points. Les Français semblaient plutôt favorables à cette réforme systémique… avant qu’Edouard Philippe n’en fasse une urticante réforme paramétrique financière avec un déjà vu recul de l’âge de départ. Le projet de loi remanié s’était alors soldé – déjà – par un 49-3 avant de sombrer face à la pandémie de Covid. Une fois celle-ci passée, l’élection présidentielle de 2022 avait timidement acté la nécessité de faire une nouvelle réforme. Elisabeth Borne s’y est attelée avec le succès que l’on sait.
La promulgation de la loi de 2023 massivement contestée dans la rue n’a toutefois pas éteint la polémique. D’un côté les syndicats ont continué à marquer leur opposition et ceux de la SNCF, entre autres, sont parvenus à « contourner » le report d’âge par un accord social, au grand dam du gouvernement qui, en rétorsion, n’a pas renouvelé le mandait du PDG de l’entreprise ferroviaire Jean-Pierre Farandou. D’un autre côté, des études sur l’impact de la réforme ont pointé ses effets bien plus modestes qu’attendu sur la résorption des déficits et la limitation des dépenses quand elle ne pénalise pas certains salariés comme les seniors.
Neuf mois après l’entrée en vigueur de la réforme, les élections législatives anticipées de l’été dernier ont refait des retraites un thème majeur d’affrontement entre l’exécutif sortant et les oppositions. Le Nouveau Front populaire a ainsi proposé d’« abroger immédiatement » le report de l’âge légal, ajoutant même « l’objectif commun du droit à la retraite à 60 ans. » Le RN plaidait de son côté en faveur d’une abrogation, avant de faire volte-face en expliquant que la réforme serait révisée plus tard. Dans la nouvelle Assemblée élue, plus éclatée que jamais, les oppositions ont tenté en vain d’abroger la réforme lors de leurs niches parlementaires ; une entreprise bloquée par l’obstruction des macronistes.
La nomination de François Bayrou à Matignon laissait espérer une évolution, mais le centriste – qui estimait pourtant que « rien n’a été clairement expliqué » avec la réforme de 2023 – a refusé à la gauche le gel de la réforme qu’elle réclamait. Le nouveau Premier ministre s’est toutefois dit prêt à « trouver des compromis » avec les partenaires sociaux et a rappelé qu’il était un militant… de la retraite à points Retour à la case départ…
Reste que basculer de l’actuel régime général à un régime à points nécessiterait des années de lissage et encore faudrait-il que tous les syndicats soient d’accord, ce qui n’est pas le cas. La situation est pourtant urgente compte tenu de la démographie française. Des alternatives de financements existent. On pourrait même imaginer muscler le fonds de réserve pour les retraites justement créé par le gouvernement Jospin en 1999.
Mais il y a de fortes chances qu’à la prochaine élection présidentielle, on parle encore – au détriment de tant d’autres sujets – des retraites, cette réforme maudite…
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 28 décembre 2024)