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Le retour des rhumes avec leur cortège de nez bouchés, de maux de gorge et de tête incite les Français à se tourner vers des médicaments dont les noms, après des années de publicité, sont entrés dans le vocabulaire hivernal : Actifed Rhume, Humex, RhinAdvil, Dolirhume, etc. Abordables, ces médicaments sont devenus les alliés des enrhumés d’autant plus facilement que leur efficacité est réelle pour un soulagement rapide.

Seulement voilà, comme tout médicament, il peut y avoir des effets secondaires et ceux de cette famille de médicaments – les vasoconstricteurs – s’ils restent évidemment rares, ne sont pas bénins puisqu’il s’agit d’infarctus du myocarde ou d’accidents vasculaires cérébraux. A ces effets secondaires-là, connus de longue date, de récentes études viennent y ajouter de nouveaux risques neurologiques, confirmés par l’Agence européenne du médicament (EMA). Au point que le bénéfice-risque de huit médicaments se pose cette année de façon encore plus aiguë qu’auparavant…

Car les alertes sur ces médicaments ne sont pas nouvelles. Depuis plusieurs années, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) évoque leurs risques. Il y a deux ans déjà, l’Agence avait appelé les Français à la vigilance. « Ce type de médicament ne doit pas être utilisé en première intention en cas de rhume », rappelait-elle en novembre 2022. Un an plus tard, l’ANSM ne pouvait que constater que son appel n’avait pas été entendu et que les (mauvaises) habitudes avaient perduré. À l’automne 2023, elle décide alors de passer à l’étape supérieure et déconseille l’utilisation des vasoconstricteurs compte tenu de « la gravité de ces accidents et (de) la persistance des cas – en dépit des actions déjà mises en place. » L’ANSM avait reçu le soutien des médecins et des pharmaciens. Les médicaments pointés du doigt se sont alors retrouvés non pas sur un présentoir mais derrière le comptoir ; les autorités espérant que le passage par le pharmacien ferait œuvre de pédagogie.

Peine perdue. Dans un avis publié hier, l’ANSM, qui a constaté une hausse des ventes de ces médicaments depuis septembre, a décidé qu’à compter de ce mercredi 11 décembre, une ordonnance devra obligatoirement être présentée pour obtenir en pharmacie ces vasoconstricteurs contenant de la pseudoéphédrine. « Au regard d’une part des très nombreuses contre-indications, précautions d’emploi et des effets indésirables connus de la pseudoéphédrine, et d’autre part du caractère bénin du rhume, nous considérons que la possibilité d’obtenir ces médicaments sans avis médical fait courir un risque trop important aux patients », écrit l’ANSM. Une nouvelle alerte donc qui interroge désormais sur ce que sera la prochaine étape l’année prochaine…

Cette affaire soulève en tout cas plusieurs sujets qui dépassent le seul cadre des vasoconstricteurs. D’abord l’importance, cruciale, de la réévaluation des bénéfices-risques des médicaments en fonction des connaissances scientifiques et médicales. De ce côté-là, l’ANSM joue parfaitement son rôle. Ensuite, cette affaire met en lumière l’automédication : déjà renforcée par la crise Covid, elle prospère sur fond de réelles difficultés d’accès à un médecin généraliste, ce que ne manque pas de souligner NèreS, l’organisation professionnelle qui représente les fabricants de médicaments sans ordonnance.

Au final, ce nouvel épisode devrait tous nous interroger sur notre automédication, plus généralement sur notre consommation parfois déraisonnable de médicaments, et nous rappeler qu’un médicament n’est pas un produit comme un autre… et qu’un rhume guérit spontanément en 7 à 10 jours.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mercredi 11 décembre 2024)


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