Il y a un an au Royaume-Uni, le cabinet d’avocats Ryland Garth secouait le monde du rugby en portant une class action (action de groupe) de près de 450 rugbymen, dont 140 anciens internationaux, contre les fédérations anglaise et galloise, et World Rugby – l’organisme international qui gère le rugby à XV et le rugby à sept. Les joueurs accusaient les instances d’avoir négligé leur santé, particulièrement à cause des commotions cérébrales subies à répétition… « Nos recherches démontrent que 400 joueurs sont morts de façon prématurée ces dix dernières années, et c’était dû à des dommages au cerveau », assurait le cabinet, qui représente depuis fin octobre quelque 850 joueurs et attend des premières audiences en justice en février 2025.
Cette affaire britannique illustre l’ampleur d’un phénomène mondial, qui ne concerne d’ailleurs pas seulement le rugby mais aussi d’autres sports de contact. Le monde du rugby, toutefois, est celui qui est en première ligne, car il a été marqué par de nombreux drames qui ont bouleversé tous les amoureux de l’ovalie. Face à ce qui reste un fléau, les instances du rugby et les autorités ont pris des mesures depuis plus de dix ans. Un protocole commotion a été institué en 2012 pour permettre au corps médical d’examiner chaque joueur susceptible d’avoir subi une commotion cérébrale pendant les rencontres. Trois questionnaires baptisés HIA (Head Injury Assessment) et comprenant notamment des tests de mémoire et d’équilibre sont prévus.
Ce socle a ensuite été renforcé par plusieurs dispositions, qui distinguent par ailleurs les joueurs de plus ou moins de 19 ans : interdiction pour un joueur concerné de revenir avant un certain délai sur le terrain, hausse du nombre de changements de joueur autorisé par match, afin de limiter les blessures, ou encore le carton bleu de l’arbitre à un joueur qui présente un signe évident de commotion. Un groupe de travail, piloté par les services de la direction des sports du ministère et regroupant le ministère de la Santé, le mouvement sportif et les sociétés savantes concernées, a été mis en place pour émettre des recommandations générales pour la pratique sportive en France – tous sports confondus.
En parallèle, la connaissance de l’effet des chocs subis par les rugbymen durant un match a fait des progrès. En 2014 le CHU de Toulouse avait mis en place la première consultation spécialisée pour les joueurs de rugby victimes de commotion cérébrale. L’heure était alors à la sensibilisation, car en l’absence de perte de connaissance, la commotion cérébrale peut passer inaperçue. Dix ans plus tard, la question de la préservation de la santé des sportifs commotionnés est toujours là et s’est étendue à d’autres disciplines que le rugby (judo, boxe, handball…). L’enjeu est désormais de pouvoir prédire les conséquences à long terme des commotions et aussi d’offrir aux amateurs un suivi aussi bon que celui dont bénéficient les professionnels.
En dépit de toutes ces mesures de protection et des avancées de la recherche, le risque zéro n’existe pas et des drames surviennent toujours, comme celui qui a injustement frappé Mathias Dantin, un joueur de 17 ans du stade Bagnérais, en décembre 2022. Au-delà du procès du joueur qui l’a plaqué et l’a rendu tétraplégique, le courage et le combat de Mathias doivent nous interpeller et nous amener à continuer à tout faire pour que le rugby ne se laisse pas déborder par la violence de certains et soit plus sûr et plus ferme dans ses règles et sa pratique.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du mardi 17 décembre 2024)