Accéder au contenu principal

Irritants palmarès

lycees

Surtout ne dîtes pas "classement" ou "palmarès" des collèges et des lycées. La simple évocation de ces mots agace au plus haut point le ministère de l’Éducation nationale qui doit dévoiler aujourd’hui les nouveaux "Indicateurs de valeur ajoutée" 2023 de ces établissements du secondaire, publics et privés sous contrat. Hélas, il en va des lycées et des collèges comme des hôpitaux ou des restaurants étoilés : qui dit évaluation dit possibilité de classement et donc palmarès. Ce n’est bien sûr pas nouveau, le "palmarès" des lycées existe d’ailleurs depuis trois décennies, lorsque l’hebdomadaire L’Express en avait publié un, en 1993, dans un numéro spécial titré "Le classement secret du ministère". Un ministère alors occupé par François Bayrou, qui avait rallumé une guerre scolaire public-privé en voulant réformer la loi Falloux. En 1994, l’actuel maire de Pau avait rendu publiques les évaluations – qui n’avaient rien de "secret" – et déjà, à l’époque, derrière les chiffres se trouvait la rivalité public-privé.

Trente-et-un an plus tard, l’appréhension des indicateurs ministériels peut toujours se lire sous ce prisme. Les syndicats enseignants évoquent ainsi chaque année combien ces indicateurs servent, selon eux, à créer de la concurrence entre établissements et à établir artificiellement des hiérarchies entre lycées. Ils dénoncent les inégalités que provoquent les palmarès nés des indicateurs et notamment le plus connu, le taux de réussite au baccalauréat, pour lequel les établissements qui sélectionnent leurs élèves – très souvent des lycées privés – sont avantagés au détriment des lycées publics qui accueillent, eux, tous les profils d’élèves sans distinction. Les lycées privés peuvent ainsi se targuer de meilleurs résultats, attirant ainsi une population d’élèves déjà favorisée, dans un cercle vertueux qui ne fait qu’accroître les inégalités.

Pour autant, comme le recommande à la presse le ministère de l’Éducation nationale, il convient de regarder tous les indicateurs et pas seulement le taux de réussite au bac. Le taux d’accès au baccalauréat des élèves de seconde, de première ou de terminale, ou le calcul de valeur ajouté qui mesure les résultats obtenus et les résultats qui étaient espérés, compte tenu des caractéristiques scolaires et sociologiques des élèves, sont des données qui peuvent être utiles pour les chefs d’établissements comme pour les équipes pédagogiques.

Mais une forme d’incompréhension a fini par s’installer entre ministère et enseignants, particulièrement depuis 2017, avec la multiplication des évaluations, en nombre et en fréquence. Le premier ministre de l’Éducation nationale d’Emmanuel Macron, Jean-Michel Blanquer, avait fait du pilotage par l’évaluation son mantra et créé un Conseil d’évaluation de l’école à sa main. Cet effort de diagnostic censé anticiper les résultats des classements internationaux – où la France a clairement décroché, notamment en maths et en français – s’est heurté à des résistances du monde enseignant, qui dénonce des évaluations stigmatisantes et ne prenant pas assez en compte les besoins.

S’entendre sur le constat pour que l’école – et particulièrement l’école publique – puisse progresser semble pourtant indispensable. Mais pour cela il faut de la confiance. Entre la controversée réforme Blanquer du bac, la réforme à marche forcée du collège avec les groupes de niveaux ou le retour du redoublement que ne valide aucune étude, la confiance n’est pas là. Les évaluations, et leurs palmarès, ces miroirs déformants, constituent dès lors davantage un irritant qu’un moteur.

Posts les plus consultés de ce blog

Machine à cash et à rêves

Qui n’a jamais rêvé d’être un jour le gagnant du loto, que l’on soit celui qui joue depuis des années les mêmes numéros en espérant qu’un jour ils constituent enfin la bonne combinaison ou que l’on soit même celui qui ne joue jamais mais qui se projette malgré tout dans la peau d’un gagnant, énumérant ce qu’il ferait avec ces centaines de millions d’euros qui grossiraient son compte en banque. Chacun se prend ainsi à rêver de vacances éternelles au soleil, de voyages au long cours, de montres de bijoux ou de voitures de luxe, de yachts XXL naviguant sur des mers turquoise, de grands restaurants étoilés ou plus simplement de réaliser ses projets longtemps différés faute de financements, de l’achat de sa maison au lancement de son entreprise, ou encore de partager ses gains avec sa famille ou avec ses collègues avec lesquels on a cotisé pour acheter le bulletin. Le loto, c’est une machine à rêver à laquelle chacun s’est adonné une fois dans sa vie et qui rythme toujours le quotidien des ...

La messe est dite ?

    L’entourage de François Bayrou a beau tenter d’expliquer que l’échec du conclave sur les retraites n’est imputable qu’aux seuls partenaires sociaux qui n’ont pas réussi à s’entendre en quatre mois pour « améliorer » la contestée réforme des retraites de 2023, la ficelle est un peu grosse. Car, bien évidemment, cet échec – hélas attendu – est aussi celui du Premier ministre. D’abord parce que c’est lui qui a imaginé et convoqué cette instance inédite de dialogue social et qu’il aurait naturellement revendiqué comme le succès de sa méthode un accord s’il y en avait eu un. Ensuite parce qu’il n’a pas été l’observateur neutre des discussions, qu’il promettait « sans totem ni tabou ». Il a au contraire, plusieurs fois, interféré : dès leur lancement en les corsetant par une lettre de cadrage imposant de ne pas créer de dépenses et d’équilibrer les comptes à l’horizon 2030 ; ensuite par son refus de voir abordé l’âge de départ à 64 ans, point centra...

Facteur humain

  Dans la longue liste de crashs aériens qui ont marqué l’histoire de l’aviation mondiale, celui de l’Airbus A320 de la Germanwings, survenu le 24 mars 2015, se distingue particulièrement. Car si le vol 9525, reliant Barcelone à Düsseldorf, a percuté les Alpes françaises, entraînant la mort de 150 personnes, ce n’est pas en raison d’une défaillance technique de l’appareil ou d’un événement extérieur qui aurait impacté l’avion, mais c’est à cause de la volonté du copilote de mettre fin à ses jours. L’enquête, en effet, a rapidement révélé que celui-ci, souffrant de problèmes de santé mentale non décelés par les procédures en vigueur, avait volontairement verrouillé la porte du cockpit, empêchant ainsi le commandant de bord de reprendre le contrôle de l’appareil. Ainsi, ce crash singulier touche au point le plus sensible qui soit : la confiance des passagers dans les pilotes à qui ils confient leur vie. C’est pour cela que cette tragédie a eu un tel impact sur l’opinion publique et a...