À quoi doit-on nous attendre cet été quant à la disponibilité de l’eau ? Cette question est devenue aujourd’hui cruciale et plus seulement pour les agriculteurs. La hausse de l’intensité des sécheresses que l’on observe depuis plusieurs années sous le coup du réchauffement climatique inquiète à juste titre les Français qui s’interrogent : les pluies des dernières semaines, qui ont parfois provoqué de violentes inondations dans le nord de la France, sont-elles suffisantes pour recharger les nappes phréatiques et nous assurer des réserves pour l’été ? Pour l’heure, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) qui surveille le niveau des nappes, se montre mesuré. Si, en janvier, l’intensité de la recharge des nappes phréatiques a diminué, la situation reste généralement satisfaisante par rapport à l’année dernière mais se dégrade légèrement avec 46 % des niveaux au-dessus des normales mensuelles. Les niveaux des nappes étaient en hausse pour 51 % des points d’observation en janvier, contre 69 % en décembre.
Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Dans notre région, les niveaux sont satisfaisants, de modérément hauts à très hauts en Haute-Garonne, en Ariège, dans le Tarn et le Tarn-et-Garonne. Et en même temps, nous avons observé des niveaux très bas en Lozère, dans l’Hérault, dans l’Aude et, surtout, dans les Pyrénées-Orientales. Ce dernier département, marqué l’été dernier par une sécheresse historique et de nombreuses restrictions d’eau, a connu des températures élevées cet hiver sans précipitations notables et une sécheresse des sols digne d’un plein été. L’hiver 2023-2024 – qui est déjà le troisième plus chaud jamais mesuré dans le pays d’après Météo-France – est le septième le plus sec enregistré depuis le début des données en 1959 dans les Pyrénées-Orientales. Et le BRGM alerte : certains points des nappes du Roussillon et du massif des Corbières observent des niveaux en baisse continue depuis mai 2022 et atteignent des niveaux historiquement bas.
Ce manque d’eau déjà présent ou envisagé pour l’été prochain impose à tous les acteurs de l’eau d’anticiper et de se préparer à tous les scénarios, même les pires. Au-delà des compensations financières pour les agriculteurs c’est bien le partage de l’eau qui reviendra, à nouveau, sur la table dans un contexte de rareté. À la faveur de la colère paysanne qui s’est levée fin janvier depuis l’Occitanie, le gouvernement a dégainé 62 engagements dont certains concernent l’eau. Ainsi, le projet de loi pour une agriculture souveraine devrait comprendre une réduction des délais de contentieux des projets relatifs à la gestion de l’eau par la suppression d’un niveau de juridiction et par l’application de la présomption d’urgence qui permet de réduire les délais à 10 mois.
Mais ces mesures d’urgence, aussi nécessaires soient-elles, seront-elles suffisantes pour le futur ? Pour réussir la souveraineté alimentaire que tous les Européens souhaitent, il va falloir inventer une nouvelle agriculture ; pour s’assurer d’un partage équitable de l’eau, il va falloir trouver un consensus et, chacun à son niveau, faire des compromis. Contre l’avancée inéluctable du réchauffement climatique, le temps presse...
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du samedi 9 mars 2024)