Deux guerres mais un même constat. Lorsqu’Emmanuel Macron apparaît le 16 mars 2020 à la télévision pour une allocution solennelle alors que les contaminations au coronavirus sont exponentielles, il lance un martial « Nous sommes en guerre » face à ce virus ennemi, face à cette épidémie de Covid-19 dont on ne sait pas encore qu’elle va mettre l’économie mondiale à genoux et éprouver nos sociétés avec d’épuisants confinements. Dans cette guerre-là, nous sommes alors apparus bien démunis, en manque de masques chirurgicaux, de blouses ou de médicaments basiques, produits depuis des années en Asie et particulièrement en Chine.
C’est que la France, comme de nombreux pays, s’est reposée sur une économie en flux tendu permise par la globalisation, où l’efficacité et la réduction des coûts étaient privilégiées au détriment de la capacité de réaction rapide en cas d’urgence. La mondialisation a permis des économies d’échelle, mais elle nous a aussi rendus vulnérables à des ruptures de stock critiques en période de crise. Cette prise de conscience a fait émerger des projets de relocalisation industrielle, en France comme en Europe, et cette « guerre au virus » a montré que lorsque l’UE est unie, elle peut relever tous les défis.
Avec la guerre en Ukraine, le constat est le même pour les Européens que celui fait au début de l’épidémie de Covid. Vivant en paix depuis plus de sept décennies après une meurtrière Seconde guerre mondiale et incapables d’imaginer voir revenir une guerre sur le Vieux continent, nous avons toujours procrastiné pour mettre en œuvre une défense commune européenne, devenue une véritable Arlésienne. Le parapluie protecteur de l’Otan, les coûts faramineux pour construire cette défense commune mais aussi les divergences de vues sur ce qu’elle doit être et quelle doit être la participation de chacun a achevé de gripper le projet.
La survenue de la guerre en Ukraine, aux portes de l’Europe, à moins de 1 500 km de Strasbourg, a révélé nos fragilités et notre impréparation à faire face à une guerre conventionnelle ou – pire – de haute intensité. Plusieurs rapports parlementaires et études ont montré que la France, seule puissance nucléaire de l’UE et seule à disposer d’une armée complète, tiendrait à peine quelques jours un front limité en cas d’attaque.
Redémarrer une production d’armes et de munitions pour aider l’Ukraine à se défendre, mais aussi pour muscler nos propres armées pour faire face à de potentiels combats est apparu évident, mais bien sûr plus simple à dire qu’à faire. Emmanuel Macron a appelé à mettre la France en mode « économie de guerre » il y a deux ans, mais retrouver les outils de production, les savoir-faire de jadis pour « produire plus vite et en plus grandes quantités » prend du temps. La prise de conscience en tout cas est là que ce soit en France – où la loi de programmation militaire 2024-2030 permet un budget en forte hausse avec près de 400 milliards d’euros de dépenses sur 7 ans – qu’en Europe.
Car comme pour le Covid, la meilleure défense sera européenne. La présentation début mars par l’Europe de la première stratégie industrielle de défense et d’un nouveau programme pour l’industrie de la défense est un premier pas qui nous permettra d’affronter les défis de demain.
(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du vendredi 29 mars 2024)