Accéder au contenu principal

Guerres froides

espion


C’est un spectaculaire coup de projecteur que des enquêtes de presse viennent de donner sur une période qui n’est finalement pas si lointaine et qui résonne fortement avec l’actualité du moment : la Guerre froide et comment pendant cette période d’affrontement des blocs de l’Est et de l’Ouest, des personnalités françaises ont trahi leur pays pour le compte de l’URSS et de ses pays satellites. Il y a quelques semaines, l’hebdomadaire L’Express a ouvert le bal en révélant que Philippe Grumbach, son ancien directeur, proche de François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing, avait été trente-cinq années durant un agent zélé travaillant pour le KGB, à qui il a livré, moyennant d’importantes rémunérations, des informations sur des personnalités politiques et participé à de subtiles opérations de déstabilisation.

Ce mois-ci, c’est le livre-choc de Vincent Jauvert, « A la solde de Moscou » (Ed. Seuil), qui révèle qu’une trentaine de personnalités françaises – journalistes, hommes politiques, hauts fonctionnaires, policiers… – ont espionné pour l’Est et notamment pour les services secrets tchèques de la StB. L’ouverture récente des archives de ce service d’espionnage, des années 1960 à la fin des années 1980, a permis de mettre au jour l’étendue du réseau d’agents – recrutés in fine pour l’URSS – mis en place au cœur des sphères de pouvoir en France. L’œil de Moscou n’ignorait ainsi rien des choix politiques, militaires, stratégiques, diplomatiques de notre pays.

Ces pratiques qui ont été méthodiquement développées par le KGB – qui avait même élaboré en 1969 un manuel de formation détaillant les étapes et les principes du recrutement d’agents étrangers – n’ont, d’évidence, pas disparu avec la chute de l’URSS en 1991, qui a mis fin à la Guerre froide. Le SFB, successeur du KGB, dans lequel Vladimir Poutine a été maître-espion, n’a en rien abandonné ses célèbres méthodes de recrutement. D’autres pays comme la Chine sont également aux avant-postes de l’espionnage politique ou industriel en recrutant des personnalités françaises de premier plan.

Mais à la différence de l’après-Seconde Guerre mondiale, les « services » disposent d’une palette d’outils bien plus large et plus puissante : le numérique. Compte tenu de l’hyperconnectivité des sociétés du monde entier, le cyberespace est devenu un terrain de jeu où l’espionnage se déploie avec une redoutable aisance. La surveillance de téléphones mobiles, y compris ceux de chefs d’État et de gouvernement, l’écoute des communications électroniques, y compris entre alliés, les opérations d’influence et de désinformation orchestrées sur les réseaux sociaux via des fermes à trolls, l’ingérence dans des processus électoraux au point de bousculer les scrutins…

Les exemples sont de plus en plus nombreux, qui ciblent d’ailleurs prioritairement les démocraties occidentales. Les prochaines élections européennes et américaines, la tenue des Jeux olympiques de Paris apparaissent d’ores et déjà comme les plus menacées par ces opérations. Et l’irruption de l’intelligence artificielle pourrait accentuer un peu plus encore les manipulations de tous ordres. Face à ces défis, les démocraties doivent sortir de la naïveté et, puisque le mot est à la mode, se réarmer pour se préparer à ces guerres informationnelles, ces nouvelles guerres froides.

(Editorial publié dans La Dépêche du Midi du lundi 4 mars 2024)

Posts les plus consultés de ce blog

Se préparer

Voilà un type de courbe que l’on n’avait pas vu depuis longtemps concernant le Covid-19 : une hausse, celle du nouveau variant du coronavirus EG.5. Baptisé Eris, ce cousin d’Omicron croît de façon vertigineuse dans le séquençage de cas positifs au Covid-19 en France comme dans d’autres pays. Beaucoup plus contagieux que ses prédécesseurs, Eris pourrait ainsi s’imposer et devenir majoritaire. Au point de relancer une pandémie mondiale que nous pensions derrière nous ? Nous n’en sommes évidemment pas là, mais l’apparition de ce nouveau variant, tout comme la possibilité de voir survenir des clusters de contamination comme cela vient de se produire aux fêtes de Bayonne, nous interroge légitimement. Même si la couverture vaccinale est bonne en France, la crainte de devoir revivre les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un retour de la pandémie est bien dans les esprits. Peut-être aurions-nous dû écouter plus attentivement les spécialistes comme le directeur général de l’Organisa

Entaché

Dix ans après son départ du gouvernement Ayrault, Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget de François Hollande, envisage-t-il son retour en politique ? En tout cas l’intéressé, condamné en appel à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, et frappé de cinq années d’inéligibilité, était hier sur le marché de Monsempron-Libos, non loin de Villeneuve-sur-Lot, la ville dont il a été le député et le maire.Fin octobre déjà il participait à une réunion, organisée à huis clos, quelques semaines après le lancement d’une association politique «Les amis de Jérôme Cahuzac». Récemment interrogé par Sud-Ouest pour savoir s’il préparait son retour politique, le septuagénaire, qui avait élu domicile en Corse où il pratiquait la médecine à l’hôpital de Bonifacio, s’est borné à répondre que «tout est une question de circonstances», faisant remarquer qu’ «on fait de la politique pour être élu et agir» et qu’il n’y avait pas d’élections avant 2026, date des prochaines m

Amers adieux

Un anniversaire… qui vire aux adieux. Air France, qui fête cette année ses 90 ans, a annoncé hier, à la surprise générale, qu’elle allait quitter en 2026 l’aéroport d’Orly et recentrer ses vols intérieurs sur son hub de Roissy-Charles de Gaulle. En quittant ainsi le deuxième aéroport du pays, la compagnie française tourne la page d’une histoire qui avait commencé en 1952, année de son arrivée à Orly. Histoire partagée depuis par des millions de Français qui, tous, peu ou prou, pour le travail ou les loisirs, ont un jour pris un avion d’Air France pour Paris-Orly, ont parfois confondu Orly-Ouest et Orly-Sud, ont accompagné le développement de la compagnie avec le lancement des Navettes vers Toulouse, Nice, Bordeaux, Marseille puis Montpellier, ont découvert au fil des ans les nouveaux Airbus, apprécié la qualité du service à bord, puis, une fois arrivés, emprunté l’OrlyVal pour rejoindre le centre de Paris ou continuer leur voyage avec une correspondance. Si l’annonce du départ d’Air Fr