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"Pas de vagues"

lycee

 Le hasard aura voulu que l’affaire du départ du proviseur du lycée Maurice-Ravel, à Paris, qui avait demandé à des élèves de retirer leur voile au sein de son établissement fin février et avait ensuite été la cible de menaces de mort proférées en ligne, intervienne au moment où sort au cinéma le film "Pas de vagues".

rDans ce long métrage, tiré d’une histoire vraie vécue par le réalisateur Teddy Lussi-Modeste, François Civil incarne un professeur de lettres dévoué qui se retrouve, à la suite d’un malentendu, pris dans un engrenage, accusé à tort de harcèlement envers l’une de ses élèves. Déterminé à prouver son innocence, il se heurte aux menaces de la famille de son élève, au manque de soutien de ses collègues et à l’apathie de sa hiérarchie qui, surtout, veut que l’affaire ne fasse "pas de vagues". Malheureusement, la fiction ne dépasse pas la réalité, elle la suit…

Car ce "pas de vagues"-là, évoqué par plusieurs responsables politiques hier pour l’affaire du lycée Ravel, rappelle celui qui a été à l’œuvre dans d’autres affaires, et notamment celle de Samuel Paty qui, pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet à ses élèves, a été victime de menaces et d’une campagne de haine sur les réseaux sociaux jusqu’à ce qu’il soit assassiné, décapité le 16 octobre 2020 par un terroriste islamiste.

Ce "pas de vagues"-là s’est aussi retrouvé dans les témoignages recueillis par la commission d’enquête parlementaire créée en juin 2023 à la demande de Mickaëlle Paty, la sœur du professeur Paty. En rendant leur rapport le 6 mars dernier, les sénateurs François-Noël Buffet (Les Républicains) et Laurent Lafon (Union centriste) ont raconté le "terrible sentiment de solitude" et la "peur" des enseignants auditionnés, qui ont demandé que leurs propos soient anonymisés.

Ce rapport, qui fait suite à de nombreuses enquêtes sur les difficultés que rencontrent les professeurs à enseigner certaines matières ou les chefs d’établissements à faire appliquer la loi, notamment celle sur l’interdiction des signes religieux à l’école, aurait dû se traduire par un électrochoc et mobiliser largement autour des 38 recommandations proposées. L’affaire du lycée Ravel sera peut-être l’étincelle qui suscitera cela, un vrai sursaut, non seulement de l’école, mais de toute la société.

Car l’affaire du lycée Ravel et avant elle celles, dramatiques, de Samuel Paty et Dominique Bernard, et toutes celles qui n’ont aucun écho médiatique mais qui nourrissent les statistiques des pressions, menaces et agressions des professeurs, montrent que l’école n’est plus le sanctuaire qu’elle devrait être, menacée par ceux qui en contestent sans cesse la mission, les valeurs – au premier rang desquelles la laïcité – et l’autorité, au nom de croyances religieuses ou d’idéologies d’évidence incompatibles avec la République.

Que ces contestations viennent des élèves qui défient leurs professeurs ou de leurs parents qui s’arrogent le droit de remettre en cause le contenu des cours ou l’autorité du corps enseignant ; que ces attaques viennent de l’extérieur et s’en prennent physiquement ou numériquement à l’intégrité des établissements et des personnels.

Avant même d’installer son contesté "choc des savoirs", Gabriel Attal – qui avait dit vouloir amener avec lui la cause de l’École à Matignon après son passage éclair rue de Grenelle marqué par sa décision d’interdire l’abaya – doit urgemment répondre au choc que ressentent les enseignants, réaffirmer leur prééminence face aux desiderata communautaristes et, enfin, en finir avec le "pas de vagues."

(Editorial publié dabs La Dépêche du Midi du jeudi 27 mars 2024)

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